Alors que Charles Aznavour aurait eu 100 ans le 22 mai (2024), ses chansons revivent à travers les voix de divers interprètes. On remarque, entre autres, un disque de relectures jazzées d’une dizaine de pièces de ce géant de la chanson, interprétées par l’audacieuse Randa Ghossoub. Entourée de musiciens de haut calibre, la Libano-Canadienne réussit, dans l’ensemble, à s’approprier ces classiques sans les dénaturer.
Aux premières écoutes, la démarche artistique de madame Ghossoub n’est pas sans rappeler celle de la chanteuse de jazz québécoise Térez Montcalm qui a elle aussi repris For me…Formidable, dès 1994. Puis, on constate que cette même chanson porte une tout autre signature dans l’univers de Randa. Quelques notes aux accents orientaux du violoniste Omar Abou Affache, posées sur le délicat accompagnement du pianiste Art Hirahara, apportent une charmante touche d’exotisme à ce classique. Avec sa voix, ici, juvénile, l’interprète donne parfois l’impression de chuchoter cette déclaration d’amour cocasse. Bien joué!
Parmi les autres bons moments de cet opus, on salue le dialogue entre la guitare de Patrick Dostie et le saxophone de Cameron Wallis qui donne des couleurs résolument jazz à Deux guitares. C’est léger, rythmé et élégant.
Les ambiances sonores se transforment d’une pièce à l’autre. Par exemple, l’esprit dramatique de Mourir d’aimer, chantée en espagnol (Morir de Amor), s’installe dès la langoureuse introduction du contrebassiste Éric Lagacé.
La nostalgie d’Hier encore nous parvient dans la langue de Shakespeare (Yesterday, when I was young), portée par l’accompagnement planant du pianiste Art Hirahara.
Pour sa part, le trompettiste Bill Mahar fait merveille sur l’amusante, Par gourmandise, qui m’apparaît comme l‘un des plus belles réussites de cet album. Avec son côté espiègle, Randa imprègne de sa griffe, ce titre sans doute moins connu.
Par contre, on reste perplexe devant son interprétation presque léthargique de Reste. Et fallait-il donner autant de place au percussionniste Keita Ogawa et au batteur Lewis Nash, au beau milieu de cette chanson qui célèbre la rencontre de deux corps amoureux?
Quant à sa version plutôt nonchalante de La Bohème, elle ne ralliera sans doute pas non plus tous les Aznavouriens.
Cela dit, l’album se termine en force avec l’increvable The Old Fashioned Way (Les plaisirs démodés), où la chanteuse semble en symbiose avec ses musiciens. Délicieusement jazz!
Malgré quelques réserves, Randa chante Aznavour a le mérite de faire revivre des classiques du grand Charles avec le charme et l’assurance d’une interprète qui en est à son cinquième disque. Plus encore, la dame a su s’entourer de collaborateurs qui magnifient le tout d’arrangements soignés et diversifiés.
Randa et son équipe donnent parfois l’impression de nous entraîner dans les cabarets montréalais de l’époque où la carrière du célébrissime Franco-Arménien a pris son envol.
Randa chante Aznavour est disponible sur les différentes plateformes. On peut en écouter des extraits par ici