Le bref mais réjouissant récital de musique de chambre donné ce vendredi soir 26
janvier à la Salle Bourgie par la crème des musiciens de l’Orchestre symphonique de
Montréal s’est révélé un moment idéal de détente pour les Montréalais. Une salle
comble était venue prendre à 18h30 précises le pouls de cette initiative musicale
qui comportera une série de six concerts associés avec les événements recoupant
l’exposition célébrant Napoléon, ce personnage controversé au coeur d’une époque de
grands bouleversements.
Le public a accueilli avec chaleur le premier soliste du pupitre des violons de
l’orchestre, le courtois, l’élégant et fort distingué premier violon solo de
l’Orchestre symphonique de Montréal, Andrew Wan. Ce musicien qui a grandi à Edmonton
avant de partir étudier à Julliard, se déclare fort heureux à Montréal. Attachant,
tendre et attentif à ses interlocuteurs, Andrew Wan demeure émouvant et poétique
dans chacune de ses interprétations. En préliminaire de concert, il nous a, en plus,
réservé toute une surprise en s’adressant à nous dans un français châtié et
parfaitement articulé, les accents expressifs de son élocution portés sur toutes les
bonnes syllabes de chacun des mots du discours qu’il nous avait soigneusement
composé! Remerciant les artisans de cette initiative musicale cherchant à mettre en
valeur l’OSM par ses premiers solistes réunis à la fois sur disque et en récital de
musique de chambre, Andrew Wan a ensuite formulé quelques phrases de politesse en
anglais, puis il s’est relancé dans de belles réflexions, en français, encore une
fois impeccables de bon sens et de netteté.
Concordant avec le jour officiel du lancement du disque de musique de chambre par la
maison Analekta intitulé Les musiciens solistes de l’OSM interprètent Beethoven et
Strauss (AN 2 8788, voyez la recension), le concert a donc offert l’occasion de
comparer l’interprétation du Septuor pour vents et cordes opus 20 de Ludwig van
Beethoven sur disque et celle rendue par le même ensemble de musiciens ce vendredi
soir. Exception faite de l’altiste Charles Pilon qui remplaçait l’altiste Neal Gripp
qui célébrait son touchant mariage dont Andrew Wan m’a montré la douce célébration
en photos, les deux interprétations se valent en qualité et en sensibilité.
Le programme du récital offrait, par contre, au lieu du Richard Strauss (Till
l’Espiègle en version adaptée à un quintette), un plus qu’intéressant Trio pour
violon, alto et violoncelle en fa majeur opus 2 no.3 d’Hyacinthe Jadin (1776-1800).
Il s’agit d’un fort talentueux compositeur français issu d’une famille de grands
musiciens, mort à 24 ans mais qui écrivait à Paris une musique à la mode viennoise.
Hyacinthe Jadin avait à peine 21 ans lorsqu’il composa une série de 3 trios opus 2
dédiés au grand violoniste Rodolphe Kreutzer. On trouve sous étiquette Valois,
étiquette dédiée à la valorisation de la musique française un album de six sonates
pour le forte-piano (V 4689) du cru de ce jeune compositeur et un album de trois
quatuors à cordes composés par Hyacinthe Jadin et son proche parent Louis-Emmanuel
Jadin (V 4738). Ce sont des compositions classiques fort bien ouvragées avec une
distinction et une netteté d’élocution toute française. Les dialogues entre
instruments y sont ingénieux, la clarté du sentiment dégagée de tout excès: on est
au coeur du classicisme sans fioriture ni affectation romantique, bien sûr. Le Trio
opus 2 no.3 joué par le violoniste Andrew Wan, l’altiste Charles Pilon et le
violoncelliste Brian Manker était cousu de dialogues savoureux et d’une joyeuse
atmosphère de haute sérénité. L’interprétation du septuor de Beethoven s’est hissé
à la hauteur de la version du disque Analekta couplé comme je l’ai dit avec le
Strauss.
Au récital de la salle Bourgie, j’ai avec une franche conviction trouvé le rendement
des interprétations de Stéphane Lévesque au basson et celles de Todd Cope à la
clarinette d’une plus grande beauté en concert qu’à l’enregistrement, malgré les
distrayantes salves d’applaudissements des spectateurs entre chaque mouvement. Se
rendra t-on un jour à l’évidence que les gens ne lisent plus rien de ce qui leur est
remis en version papier si on ne le leur en explique pas l’utilité ou la subtilité?
Ici, ce n’était pas chinois, soit les six mouvements du septuor de Beethoven et six
ou sept mouvements enchaînés en scission de quatre mouvements du Trio de Jadin. En
présentation préliminaire aurait-on pu tenter d’expliquer ceci au public afin d’au
moins les édifier d’un apprentissage utile au prochain concert? Ça se ferait en une
minute et ne demanderait pas autant de courage qu’on le croit que de détailler avec
gentillesse et doigté la lecture du programme au public in vivo. Ceci rendrait
service à la musique et aux musiciens qui ne cessent d’être étonnés, sur scène,
devant nous bien sûr, de ce que le public n’a pas perspicacement saisi d’un
mouvement à l’autre que l’oeuvre n’est pas encore achevée. Ils montrent à cet
étonnement aucune marque d’ennui ou d’agacement outré,mais ils affichent une
bonhomie de politesse qui cache au fond une déception de ce que le public n’est pas
aussi avisé qu’il devrait minimalement l’être.
Le prochain concert d’intérêt à prendre l’affiche à la Salle Bourgie du Musée des
Beaux-Arts de Montréal aura lieu le vendredi 23 février à 18h30 -selon l’annonce
qu’en fait la Fondation Arte Musica- soit un récital du pianiste Daniel Propper dans
de rarissimes oeuvres de Steibelt. Louis-Emmanuel Jadin, Dussek et Moschelès. Àmon
humble avis, c’est à ne pas manquer comme programme offrant, par surcroît au
préalable, donc à 17 heures, une visite guidée de l’exposition Napoléon!
Photo ©Koralie Woodward