Encore une fois, le personnel de la Salle Bourgie a permis à un récital inoubliable de se réaliser au grand bénéfice des 150 mélomanes venus assister, avec ferveur, à cette Schubertiade du vendredi 4 octobre dernier. L’artiste Rachel Fenlon est apparue souriante dans une robe de bal tout aussi élégante que sa personne. Un programme descriptif et explicatif d’une exactitude remarquable, soigné dans tous les détails de sa présentation, était encore offert aux mélomanes.
Une étendue de voix phénoménale
Il n’est pas besoin d’épiloguer sur l’exploit évident de mémoriser parfaitement la partie d’accompagnement au piano par laquelle ses deux mains sont mobilisées à des déplacements et tempos souvent de vélocité exigeante-soit le parcours kinesthésique des doigtés dansant le fond harmonique, mais de tout chanter avec justesse parfaite et nuances ces mélodies, que ce soit de puissance ou de douceur par des cordes vocales d’une souplesse inouïe, tout articulé judicieusement en allemand mais aussi anglais et en français pour les 7 chants de Benjamin Britten. Toute cette performance vocale et artistique cela dépasse l’entendement. C’est ce qu’on qualifie sans exagération d’exploit musical alors qu’elle chantait souvent dans le registre de contralto avec la même aisance que son dit-registre de soprano.
Le moment le plus fort de cette sensibilité unique
Rachel Fenton a interprété coup sur coup, en les enchaînant, ce qui s’intitule en français Marguerite au rouet (Gretchen am Spinnrade Deustche 118), puis La jeune fille et la Mort (D.531) et À Sylvia (D.891), puis viendra Le fils des Muses (D.764). Au fil de l’enchaînement de tout le programme soit 18 lieders si on ajoute Le joueur de vielle en rappel tiré, lui, du Voyage d’Hiver (Winterreise), une performance sans interruption d’applaudissements (à part le rappel et le moment d’évanouissement subit d’une auditrice évacuée aussitôt), il se distingue au premier chef, surtout l’étendue de sa voix qui descend au registre du ténor dans La jeune fille et la mort. C’est à ces occasions rarissimes que l’écoute spectaculaire de cette voix riche s’illustre comme moment de performance et d’émotion optimales.
Les mystères de l’absentéisme
Et pourtant, le public venu combler la salle, à peine une semaine plus tôt, pour un panorama orchestral savoureux, n’a pas pensé qu’il raterait un grand événement en ne s’y présentant pas. La jeunesse chantante des conservatoires du Québec ou des nombreuses écoles de musique n’y étaient pas, ni ceux qui ambitionnent auditionner un jour à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, comment cela s’explique t-il? Je n’ai de réponse que dans la pauvreté extrême des revenus de nos très jeunes artistes quoique, si j’ai bien lu, ils et elles peuvent, pour dix minces dollars, accéder aux excellents concerts et récitals de la salle.
Lire les textes précédents d’Éric Sabourin sur le sujet.
Préparer l’écoute des lieders de Schubert avec Rachel Fenlon