Rentrée théâtrale des plus festives au TNM ! Partout sur scène, elle court, la maladie d’amour, au grand bonheur des spectateurs ! La comédie La nuit des rois de Shakespeare, délicieusement adaptée par Rébecca Déraspe et Frédéric Bélanger, est portée par une distribution éclatante dont Benoît McGinnis, en hilarant Feste qui n’hésite pas à pousser la note, tout en esquissant quelques pas de danse. Ce gentil bouffon ne dédaigne pas non plus l’introspection. À ses côtés, les acteurs de cette nuit magique chantent et dansent à plusieurs reprises, accompagnés de musiciens costumés qui sont eux aussi des personnages de la pièce. Projections sur grand écran, costumes flamboyants, refrains accrocheurs, etc., on ne s’ennuie pas dans ce spectacle où l’amour et les malentendus sont rois…

Crédit : Yves Renaud
Triangle amoureux
D’entrée de jeu, des projections vidéo évoquent un naufrage. Les jumeaux Viola (Clara Prévost) et Sébastien (Thomas Derasp-Verge) s’échouent à deux endroits différents de la côte d’Illyrie, patrie du duc d’Orsino (Jean-Philippe Perras). Convaincue que son frère s’est noyé, Viola se croit seule au monde et elle se travestit en homme espérant ainsi mieux assurer sa survie.
La jeune femme adopte l’apparence de son frère et prend le nom de Cesario puis elle se présente chez le duc. Celui-ci, éperdument amoureux de la comtesse Olivia (Marie-Pier Labrecque) qui repousse ses avances, envoie Cesario convaincre la belle de son amour. Mais Olivia ne tarde pas à tomber sous le charme de Cesario qui, lui, n’est pas insensible au duc Orsino. L’arrivée de Sébastien et sa grande ressemblance avec Viola (devenue Cesario), entraîne une série de méprises dont le dénouement ne se produira qu’à la toute fin de la pièce !

Crédit : Yves Renaud
Autour de ce triangle amoureux, on retrouve l’étincelante Kathleen Fortin, en Maria. Cette femme rusée en a marre du prétentieux Malvolio (Yves Jacques) et elle parvient à le faire tomber dans un douloureux piège, en l’amenant à croire qu’il est aimé d’Olivia. Dans une scène particulièrement drôle, Malvolio évoque tout haut ses ambitions d’atteindre un nouveau rang social en épousant la comtesse.
Le pauvre homme ne sait pas qu’il est épié par Maria, ainsi que l’ivrogne Sir Toby (Étienne Pilon) et le niais Sir Andrew (François-Simon Poirier) qui se bidonnent et disparaissent dans le décor aux moments où Malvolio regarde dans leur direction. Voilà une mécanique comique de haute précision !
Tous brillent à divers moments dans cette mise en scène palpitante de Frédéric Bélanger. Cela dit, Yves Jacques offre à lui seul plusieurs des temps forts du spectacle. Entre autres, son personnage à qui on reproche d’être trop sérieux, essaie d’apprendre à sourire et il lui faudra plusieurs laborieuses tentatives avant d’y parvenir. On se souviendra sans doute longtemps de cette scène désopilante ! Ajoutons que le comédien en surprend plus d’un en offrant un énergique solo de batterie !
Bien sûr, le rire n’enlève rien à la profondeur du texte. Le ton se fait plus sérieux, entre autres, lorsque Feste demande à Malvolio laquelle de ses prisons lui fait le plus peur, en faisant allusion aux pulsions refoulées de ce dernier. On saisit bien ici que la comédie de la vie nous ramène toujours à la question de l’authenticité. Les personnages de La nuit des rois aiment-ils vraiment ? Jouent-ils plutôt aux jeux de l’amour ? Le mot de la fin revient à Feste. N’oublions pas de vivre avant de mourir, dit-il et n’oublions pas d’aimer avant d’haïr.
La nuit des rois est réussie en tous points ! À voir !

Crédit : Yves Renaud
La nuit des rois
de William Shakespeare
Traduction et adaptation Rébecca Déraspe et Frédéric Bélanger
Mise en scène Frédéric Bélanger
Avec : Benoît McGinnis, Yves Jacques, Kathleen Fortin, Marie-Pier Labrecque, etc.
Au Théâtre du Nouveau Monde, jusqu’au 15 octobre