Louis (Frédéric Blanchette) et Becca (Sandrine Bisson) tentent de se remettre du deuil de leur fils Danny, happé mortellement par un véhicule, alors qu’il n’avait que 4 ans. Tous les deux se sentent coupables. Elle, de ne pas avoir assez surveillé l’enfant. Lui, d’avoir offert un chien à son fils, car c’est en courant derrière l’animal que le petit s’est fait frapper. Leur vie de couple en est grandement affectée. Elle veut vendre la maison. Lui, hésite. Blanchette est bouleversant en père désemparé qui implore sa conjointe de cesser de faire disparaître les traces de la courte vie de leur petit garçon. «Je veux mon chien», s’écrie-t-il au bord des larmes, alors que Becca a confié la garde de l’animal à sa mère, incarnée par Pierrette Robitaille. Cette dernière joue d’ailleurs avec un remarquable doigté son rôle teinté d’un humour salvateur dans cette histoire d’une grande tristesse.
Parmi les autres comédiens, soulignons que Rose-Anne Déry (soeur de Becca) arrive elle aussi à provoquer de nombreux éclats de rire, notamment, en racontant comment elle a réglé ses comptes dans un bar. Quant à André-Luc Tessier, il a le rôle ingrat du conducteur qui a happé l’enfant. On ne sent pas chez lui l’embarras qui devrait l’habiter en présence des parents de la jeune victime. Enfin, Sandrine Bisson ne tire pas le maximum de son personnage de mère éplorée. On ne perçoit pas toujours la douleur qui est sensée l’accabler. Son jeu nous laisse perplexe, entre autres, lors d’une discussion avec le responsable de la mort de son fils. Pendant que le jeune homme raconte le plaisir qu’il a eu à son bal étudiant, elle éclate en pleurs, vraisemblablement, en songeant à son enfant qui n’atteindra jamais l’âge d’aller au bal; or, tout juste quelques secondes plus tard, elle reprend son ton habituel, comme si de rien n’était.
Un décor qui en dit long
Chapeau à Jean-Simon Traversy qui a su installer son spectacle dans cette grande salle de 800 places, sans dénaturer sa mise en scène créée à la petite salle Fred-Barry, en 2016. Quant au décor de Cédric Lord, il s’avère d’une grande pertinence. D’une part, un plafond très incliné semble peser lourd sur ces personnages qui ploient sous le poids de leur peine. De plus, des jouets d’enfants disposés sur la scène se mettent à bouger lorsque le décor se tourne en partie pour la conversation entre la mère et le conducteur en cause dans le terrible accident. C’est comme si le fantôme de la jeune victime s’animait. Frissons !
«Une brique dans la poche»
Un autre moment fort du spectacle est certainement la discussion entre la mère (Pierrette Robitaille) et sa fille (Sandrine Bisson) qui demande si un si grand chagrin finit par passer. Non, lui répond l’aînée qui a elle-même perdu un fils. Comparant la lourdeur d’un tel malheur à une grosse brique qu’on traîne dans sa poche, elle tente de consoler sa fille en faisant valoir qu’on finit par s’habituer à ce poids.
Pas étonnant que l’auteur américain David Lindsay-Abaire aie reçu le prix Pulitzer en 2007 pour cette pièce d’une grande profondeur, originellement intitulée Rabbit Hole et qui nous est servie, ici, dans une efficace traduction d’Yves Morin.
Malgré le drame, la dernière scène de cette pièce de 90 minutes laisse entrevoir une belle lueur d’espoir car, bien sûr, la vie continue.
Le terrier
Texte: David Lindsay-Abaire; traduction: Yves Morin
Mise en scène Jean-Simon Traversy
Interprétation: Sandrine Bisson, Frédéric Blanchette, Rose-Anne Déry, Pierrette Robitaille, André-Luc Tessier
Au Théâtre Duceppe, jusqu’au 23 mars