La trilogie 3 secondes/3 minutes/3 heures s’était inscrite dans une recette prévisible d’action, d’infiltration et de trahison. Si les deux premiers tomes mettaient l’accent sur le redoutable homme à abattre Piet Hoffmann, le dernier est allé ajouter une corde bien différente à son arc. Est-ce le duo d’auteurs devenu solo, en la personne d’Anders Roslund ? Est-ce un exutoire en lien avec l’actualité et l’immigration ? Quoiqu’il en soit, Roslund a su se renouveler et casser les codes que lui et son comparse (Börge Hellström) avaient instaurés. Un respect pour l’histoire, ses personnages, et pour l’auteur envers lui-même.
Piet Hoffmann est toujours là, bien sûr. Alors qu’il était le protagoniste des deux premiers, il va être présenté ici en second plan et va servir le propos d’un autre personnage : Ewert Grens, ce commissaire ronchon et déprimé, mais aussi loyal et profondément humain.
Une étrange amitié lie les deux hommes depuis le début de la trilogie. Grens avait ordonné le meurtre d’Hoffmann, pour finalement l’aider, lui et sa famille, à retrouver une vie normale. Un résumé facile et extrême, qui permet de mesurer à quel point les bases de leurs relations sont… particulières. Dans 3 heures, non seulement Grens s’impose dans l’intrigue, mais il va endosser le rôle qu’Hoffmann n’a pas encore su s’approprier : celui de père et de protecteur.
Ainsi, la famille d’Hoffmann, surtout ses enfants Hugo et Rasmus, prend aussi une place plus importante. Il serait faux de dire que les événements passés ne les ont pas affectés. Intelligent et débrouillard, Hugo l’aîné de la famille entretient une rancœur tenace envers son père, rancœur qui va s’adoucir au contact d’un confident inattendu : Grens, vous l’aurez compris.
Quel est le danger cette fois ? Une organisation liée au trafic humain. Une immigration de masse qui se solde par la mort de 63 personnes dans un container… Quand la vie ne vaut rien, ou plutôt si, une valeur que beaucoup sont prêts à extrapoler, sans conscience, ni âme. Le même jour, des cadavres « en trop » sont retrouvés dans une morgue, de même que les empreintes de Piet Hoffmann…
Grens va trouver dans cette quête, le moyen de régler ses comptes avec ses traumatismes passés : la mort de sa femme, sa solitude, la sensation de ne pas exister. Tous ces morts, cette injustice vont lui insuffler une seconde jeunesse qu’il va mettre au service des immigrants, et de la famille de Piet. Convaincant ce dernier d’accepter une mission à haut risque, pour une dernière fois, il lui jure que rien n’arrivera à sa famille en échange. Quant à Piet, il bénéficiera cette fois de trois heures pour démanteler un réseau de trafic humain auquel sa femme est malheureusement liée de très… trop près.
Les ingrédients qui ont fait le succès de cette trilogie demeurent : action, suspens, stratégies de combat Piet, et surtout le fonctionnement des réseaux gouvernementaux, humanitaires et illégaux, que l’auteur a pris soin de documenter. C’est ce qui rend sans doute ces romains étrangement actuels et véridiques. Comme le raconte Roslund, il n’a pas hésité à suivre son contact au cœur des cartels de la drogue pour 3 minutes. Cette authenticité est sans aucun doute le point fort de cet impressionnant travail qui, conjuguée à l’humanité beaucoup plus accessible des personnages principaux, font de 3 heures un récit à part : rendre à la vie humaine son juste prix, se battre pour les bonnes causes et croire en soi, l’autre, mais croire.
3 heures – Anders Roslund
Éditions : Mazarine
Genre : Roman polar/suspense
448 pages