Propulsé rapidement sous les feux des projecteurs, Alain Moussi est l’acteur qui monte. Il est à l’affiche du dernier Kickboxer : Retaliation (tome II) aux côtés de Mike Tyson, Christophe Lambert, Jean-Claude Van Damme en salle depuis le 26 janvier. Il s’est confié sur son parcours lors d’un entretien.
[masterslider id= »125″]La première chose qui m’a interpellé en lisant ta biographie, c’est que tu es né au Gabon. Peux-tu m’en dire plus ?
Mon père était prof de mathématique. Il a eu un contrat au Gabon : je suis né pendant qu’il était là-bas. On a vécu un an au Gabon. On est revenus à Montréal quelques mois, ensuite on est repartis en Côte d’Ivoire. On est restés un an et demi à peu près. Finalement, on est revenus à Ottawa. Ensuite, j’ai vécu au Nouveau-Brunswick pendant 3 ans puis on est retourné à Ottawa. J’y habite depuis que j’ai 7 ans.
Qu’est-ce que tu as appris de ces pays ?
En vrai, je me rappelle pas beaucoup de l’Afrique, mais par osmose, quand tu voyages, tu vois plein de choses. D’avoir un père d’origine libanaise, c’est-à-dire qui vient d’ailleurs, ça m’a exposé à une autre culture, ça t’affecte directement d’une certaine façon. Je suis allé au Liban une fois quand j’avais 11 ans : je pense que voyager ouvre les yeux sur le monde, ça t’ouvre à plein de cultures différentes, ça t’ouvre l’esprit.
Tu as commencé ta carrière en doublant des acteurs dans des films d’action. Comment as-tu commencé à jouer ? C’était une volonté ou c’est quelque chose qui s’est présenté à toi par hasard ?
J’ai toujours eu envie de faire ça mais je ne savais pas comment. J’ai donc commencé à pratiquer les arts martiaux. C’était mon objectif, j’étais concentré sur les arts martiaux. À un moment donné, j’ai commencé à faire des spectacles sur scène. John Terry était chef d’une association internationale d’arts martiaux. Tous les ans, on avait une convention, à cette convention, on avait un grand spectacle devant 1000-2000 personnes. J’ai commencé à faire des spectacles à 14 ans, en grandissant, avec mon partenaire d’entraînement Robert, on a commencé ensemble à monter d’un échelon dans les shows. C’est comme ça que je me suis exposé pour la première fois à des performances.
Ensuite, avec un ami qui tournait des vidéos pour ses projets scolaires, on a commencé à tourner faire des genres de scènes d’action. À 23 ans, j’ai ouvert mon école à Orléans à Ottawa. Un de mes élèves me voyait pratiquer et m’a dit un jour: “Vous devriez avoir votre propre show”. On en a créé un par la suite avec des ninjas qui volaient des choses, on se battait contre eux, on a tourné ça assez rapidement, on a mis la vidéo sur le web et les gens nous demandaient une suite.
Au final, on en a fait 12. En parallèle, j’apprenais par moi-même en cascade, je travaillais, je chorégraphiais des scènes… J’ai fait en sorte que tout ça se fasse. Un de mes amis a commencé à être cascadeur à Montréal, je lui demandais de me présenter à des gens : il n’avait pas vraiment d’opportunité mais 5 ans plus tard, il m’a proposé de rencontrer Jean Frenette, ex-champion du monde en karaté. Il met en scène des concepts de combat pour les montrer aux réalisateurs. Jean m’a fait jouer ce type de scène pour un film, ce qui m’a mis en avant : j’ai eu l’opportunité de doubler le personnage principal sur le film en question. J’en revenais pas, c’était la première fois que j’allais faire ça. À partir de là, ça m’a exposé à plein d’opportunités.
Étais-tu frustré d’être l’acteur que l’on ne voit pas ?
Pas du tout. Au début, tu penses qu’en étant cascadeur, tu vas devenir une star, ce n’est pas vrai. Le cascadeur est la personne invisible. C’est comme si tu n’avais jamais été là. Je l’ai compris assez vite. En même temps, j’étais dans un rôle de soutien : l’important est de tourner dans un film donc peut-être que je serai exposé à la bonne personne et que la bonne opportunité se présentera un jour. Mais j’ai vraiment aimé faire ça car je faisais ce que j’aimais et j’étais sur les plateaux : je ne pouvais pas rêver mieux.
Dans Kickboxer, tu joues le rôle de Kurt Sloane. Comment as-tu entendu parler de ce rôle ?
À un moment donné, j’avais travaillé sur 3-4 grosses productions. On a commencé à travailler sur un film d’arts martiaux pour lequel j’ai fait deux combats en show case. À la fin de ça, Dimitri, qui était le réalisateur et le producteur du film est venu se présenter. Il m’a posé toutes sortes de questions, mais au final c’était juste pour savoir si je parlais bien anglais. Il voulait que j’auditionne pour le premier rôle de son film. Son objectif était de relancer le genre film de combat, et il voulait le faire avec moi. Au final, on a tourné pendant 3 semaines. Il y a eu un problème avec le financement donc ce film n’a malheureusement jamais été fini. Mais Dimitri avait les droits du film Kickboxer. Pendant des années, j’ai continué mes cascades puis 2 ans plus tard, il m’appelle, il me dit de venir auditionner pour Kickboxer. J’ai fait un showcase live de 2 min : c’est une scène de combat chorégraphiée devant un jury. Il a fait revenir 10 personnes et en demandant de recommencer. J’ai ensuite fait un screen test, ça s’est super bien passé et c’est comme ça que j’ai eu le rôle.
Quels sont tes points communs avec ce personnage ?
Kurt est le frère d’Éric : Éric est celui qui est en avant, qui aime se montrer. Kurt est l’homme de l’ombre, celui qui entraîne et qui s’assure que tout se passe bien pour son frère. Dans Kickboxer Vengeance (tome I), son frère, Éric, meurt dans un combat, ce qui force Kurt à prendre le rôle de son frère. J’ai été coach pendant longtemps, c’est ce que j’ai en commun avec Kurt : savoir m’occuper de quelqu’un, de m’assurer que cette personne soit au top. Mais j’ai aussi été en avant, à faire des shows, à être en avant de la caméra, donc j’ai aussi des points communs avec le frère. J’ai commencé comme Kurt, et j’ai été là où il termine.
Quelle est la scène dont tu es le plus fier dans Retaliation ?
Il y a 2 scènes : la première c’est un plan-séquence de 4 minutes, une scène sans coupure. Le caméraman m’a suivi dans une prison où je me bas contre 17 gars différents sur 2 étages. Je suis arrivé le premier jour de tournage et je savais immédiatement qu’on allait la tourner cette journée-là. Je devais l’apprendre. Je pensais qu’on aurait le temps de la répéter. Au final, j’ai juste pris 1h pour m’entrainer. À un moment donné, Dimitri nous prévient que cette scène sera tournée avant le lunch. Normalement une scène comme ça, tu la travailles pendant une semaine. Ça a été monté en avance par l’équipe thaïlandaise qui était exceptionnelle mais on a répété pendant une demi-heure. On l’a tourné 2 fois mais il y avait des petits trucs qui n’allaient pas. À la 3e prise, c’était terminé. On a accomplit ça en une journée, c’était incroyable. En plus de ça, c’est vraiment devenu la scène culte du film.
La deuxième scène, c’est le combat final : 25 minutes de combat contre l’homme le plus fort d’Europe, 2e mondial. À côté de ses 400 livres, je me sens comme un petit garçon. On a fait 7 jours de combat à raison de 12h par jour pour préparer cette scène. Physiquement, c’était le combat le plus dur de ma carrière à tourner. Mais le meilleur dans ce film, c’est que j’ai pu coordonner les combats, j’ai pu également intervenir dans le montage, m’assurer que tous les combats étaient contextuels à l’histoire et au film. Dimitri m’a vraiment fait confiance.
Tu joues aux côtés de plusieurs champions et acteurs très célèbres : qu’est-ce que tu as appris à leurs côtés?
Jean-Claude, sur le plateau, je l’ai vu comme le vétéran : il est au top depuis 25 ans et j’ai compris pourquoi. Il est tellement carré, tout ce qu’il fait est professionnel. On a beaucoup discuté par rapport au scénario. On a vraiment eu une belle complicité. En plus de ça, c’est quelqu’un de très généreux, il veut vraiment s’assurer que tu donnes le meilleur de toi-même dans les combats. C’est un acteur qui m’a inspiré quand j’étais petit.
Mike Tyson, je l’ai rencontré la première journée. Au début, tu sais pas vraiment comment il va être. Au final, c’est quelqu’un de très tranquille, doux et gentil. On a tourné une première scène de combat ensemble : dans cette scène, il me revient avec une claque, on avait des caméras haute vitesse pour aller capter sa puissance et sa vitesse de frappe. On a tourné une autre scène où il me donne des coups dans le torse, à 10% de sa force réelle, j’imagine que s’il me frappait pour de vrai je ne serais peut-être pas là (rire). Il m’a beaucoup encouragé, dis de bonnes choses. On est devenu ami.
Christophe Lambert a fait beaucoup de films d’action, mais il ne ressemble à aucun autre acteur. C’est un grand acteur, je pourrais apprendre tellement de choses d’un gars comme ça. C’est un gentleman, il a une présence incroyable. On a déjeuné un matin ensemble, on a passé une heure juste à parler de sa carrière et de cinéma. C’est vraiment fascinant d’avoir la chance de s’assoir avec une personne d’expérience comme ça.
Pour terminer, peux-tu me dire : ton jeu de combat préféré?
Street fighter.
Ton film de combat préféré ?
Un seul ? C’est trop difficile : je dois t’en donner 4 ! Mes préférés seraient : Enter the Dragon, Kickboxer, Rumble in the Bronx et Ong Back. Ce qui est intéressant, c’est que chacun de ces films a un style différent.
Le meilleur conseil qu’on t’ait donné dans ta vie ?
Beaucoup de gens attendent qu’une opportunité se présente avant de commencer à se préparer, et donc d’avoir les qualités requises pour le faire. C’est la plus grande erreur que tu puisses faire : il faut que tu t’entraines et que tu te prépares pour des opportunités, même si elles ne sont pas encore là. Le jour où cette opportunité se présente, il faut que tu sois prêt. Les arts martiaux sont venus naturellement pour moi mais c’est ce qui m’a aidé toute ma vie et qui a fait en sorte que je sois prêt quand les opportunités se sont présentées. C’est ce qui m’a permis de réussir.
Photos ©Vincent Azaïs