Ajouter un album à sa discographie doit être un pensez-y-bien quand on s’appelle Diane Dufresne et qu’on a marqué la chanson avec des titres comme Oxygène, Hymne à la beauté du monde, Le Parc Belmont, etc. Pas étonnant que 11 ans se soient écoulés depuis son précédent disque de chansons originales Effusions, souvent cité comme l’un des meilleurs albums de la diva. Depuis plus de 20 ans déjà, Dufresne écrit des textes de chansons très forts: Cendrillon au coton, Que, Merci, J’t’aime plus que j’t’aime, etc. Meilleur après s’inscrit dans cette lignée avec, entre autres, Le temps me fait la peau où la parolière arrive à dire en quelques mots le deuil inhérent au fait qu’avec les années, rien ne réussit vraiment à dissimuler les marques du temps sur nos corps: «Aucun paravent ne fait d’ombre à ces tissus de vérité.» Plus encore, arrive-t-on à percevoir pleinement ce que nous devenons, ou reste-t-on fixé sur l’image de ce que nous avons été? «Devant le miroir qui me glace Mon enfance a perdu ma trace Je ne suis pas ce que je vois Je ne vois plus ce que je suis».
Profondeur et groove
Mais, ce qui différencie Meilleur après des précédents albums de D.D., ce sont, notamment, les arrangements de Jean-Phi Goncalves qui a récemment revisité avec brio les chansons de l’hommage à Plamondon du Cirque du Soleil. Ce talentueux musicien de la scène électronique, ex-membre du duo Beast (avec Betty Bonifassi) apporte un groove et une facture contemporaine à ces chansons graves, sans éclipser pour autant l’art vocal de la divine septuagénaire qui s’impose toujours avec panache!
On croit presque rêver en entendant la voix de Diane se mêler au chant de baleine sur L’Arche. Joli clin d’oeil à la furie de l’époque de Dioxine de carbone. Une note au livret nous apprend que ces enregistrements du chant de baleine ont été réalisés au large de l’île de Kauai à Hawaii par Jean Lemire et un ami alors que «ce mâle chanteur … dérivait sous notre bateau à la même vitesse que nous.»
74 ans et toujours audacieuse !
Parmi les multiples talents de Dufresne, il y a toujours eu celui de savoir s’entourer et vraisemblablement celui d’amener ses collaborateurs à se dépasser. C’est le cas ici pour Catherine Major. On savait déjà qu’elle est une artiste majeure, mais écoutez la musique qu’elle a fait pour La peur a la frousse. C’est du cinéma musical ! Major a réussi à créer des émotions appropriées à la terrible scène de l’attentat du Bataclan où un homme se couche sur sa femme pour la protéger des tirs et lui dire des mots d’amour. Grandiose dans le texte et la musique!
Dufresne fera aussi découvrir à plusieurs d’entre nous l’auteur-compositeur français Cyril Mokaiesh qui a déjà une longue feuille de route et qui signe ici l’un des refrains les plus accrocheurs du disque avec Mais vivre. La chanteuse a aussi su reconnaître le talent d’Alexandre Lizotte, auteur du texte tout en nuances Nocturne qui met en lumière la valeur de tous les moments de la vie et de tous les êtres quels qu’ils soient: «La persévérance des oies Le courage des escargots… L’accalmie au combat… La solitude de la proie Pareille à celle du bourreau». Tout un voyage, en un peu plus de 3 minutes, sur les ailes d’une envoûtante mélodie du Français Alex Beaupin.
Je me noue à vous
C’est connu, Dufresne entretient avec ses fans une relation d’une rare intensité. Il suffit d’avoir entendu la foule hurler de bonheur pour elle, entre autres, au Forum dès 1980, puis au Stade olympique en 1984, puis au spectacle Top Secret (tous des événements qui continuent de vivre sur vidéo), pour saisir les paroles de Je me noue à vous qui vient clore l’album sur la musique de Show Some Respect de Sting. « Je soufflerai sans frémir Les bougies par les deux bouts Quand les spotlights de cette scène viendront s’éteindre sur nous… Il se fait tard à mes jours Sentez-vous la brise? Merci pour toute cette vie L’air que je respire Je garde en moi cet amour À jamais je me noue à vous»
CD, vinyle ou version numérique
Bien sûr, on peut se contenter de la version numérique, mais dans le cas de Meilleur après, il faut souligner que la passion de la diva pour les arts graphiques se reflète sur la pochette de l’album, qui s’ouvre sur de magnifiques photos, dont celle d’une sorte d’installation muséale où ce qui s’apparente à un rideau de scène semble s’envoler vers l’infini.