Le milieu musical classique jouit de tant de grands talents encore jeunes et de réputations bien établies incitant le public à se déplacer, pour la joie de les entendre, que les prestations de la juste, donc bonne et correcte moyenne des virtuoses ne nous émeut désormais que très modérément. Cela est vrai pour tous les instruments, tous les ensembles et tous les solistes.
Blake Pouliot au violon au Ladies Morning Musical Club
Après avoir entendu et éprouvé le sublime génie musical du violon expressif de Amaury Coeytaux et les envolées du quatuor Modigliani accompagné avec une persévérante volonté par Louis Lortie (en plus dans ces chefs-d’oeuvres inégalés de musique de chambre signés Gabriel Fauré!) le récital du pianiste Henry Kramer et du violoniste canadien Blake Pouliot fut un peu un retour au niveau d’un très honnête récital. On en entend de tels, très réussis, en processus de diplomation de baccalauréat ou maîtrise en interprétation dans n’importe quelle de nos excellentes facultés de musique montréalaises quand un talent bien dirigé s’affirme.
Répétition d’oeuvres programmées
Au Canada où nous entendons de tels sommets d’éloquence au violon comparables à l’unique et éloquent violoniste James Ehnes, Blake Pouliot nous a offert des oeuvres de Clara et Robert Schumann fort apparentées et une série de variations de Miklos Rósza. Répétant, pour la troisième fois au moins, la très belle seconde sonate de Maurice Ravel, elle fut jouée avec moins de vifs pizzicatti et moins d’entrain de danse tourbillonnante en mouvement perpétuel d’animation presque maléfique que lors de ses prestations précédentes ou que sur son unique enregistrement (Analekta) datant déjà de 6 ans. C’est un rétrécissement uniquement pour qui sait comparer et pour qui se souvient d’un concours de 2016 nous l’ayant révélé.
Un très beau Poème de Chausson
Une certaine lassitude perce la façade de la répétition constante d’une même œuvre ou d’éléments de programme tout de même bien maîtrisés, donc avec un peu de programmes alternatifs dans une carrière encore débutante, l’usure affecte moins l’interprète et épargne l’auditeur fidèle. À part le rappel d’un mouvement de sonate pour violon et piano de Brahms, il faut souligner le jeu constant de fermeté sans sensiblerie du professeur adjoint de l’Université de Montréal sur un piano Yamaha toujours si peu enveloppant.
Benjamin Grosvenor, le 10 novembre
Ce piano Yamaha de la Salle Oscar Peterson, lui surtout, a besoin d’harmonisation soignée, car il est en détresse de soins intensifs : sa mécanique chante à peine (in need of subtle voicing at the very least). Henry Kramer aura donc fort bien fait dans ce contexte, certes, mais à un moindre niveau de suprême éloquence que l’artiste et pianiste exceptionnelle Hsin-I Huang entendue autrefois aux côtés de Pouliot quoique sur de meilleurs instruments.
Le Poème de Ernest Chausson fut, en rétrospective, le haut fait de ce récital avec la sonate de Ravel que Pouliot maîtrise avec un par cœur de convenue et de facilité.
Blake Pouliot, violon et Henry Kramer, piano . Programme:
Miklós Rózsa (1907-1995) Variations sur une chanson paysanne hongroise opus 4
Clara Schumann (1819-1896) Trois Romances opus 22
Robert Schumann (1810-1856)Sonate pour violon et piano no.1 opus 105
Ernest Chausson (1855-1899) Poème pour violon (1896)
Maurice Ravel (1875-1937) Sonate pour violon et piano no. 2 « Blues » (1927)