Une foule en liesse, au comble de la félicité musicale, s’est déchaînée de vivats incessants ressentis au plus profond du coeur humain à l’endroit de la brillante tenue vocale des Petits Chanteurs du Mont Royal. Ils épaulaient l’OSM au terme de la fameuse partition Les planètes du compositeur anglais d’origine suédoise Gustav Holst (1874-1934).
Une fois la partition parvenue à la planète Neptune, c’était à eux qu’appartenait le chant cosmique digne de tout petits anges dirigés avec chic par Andrew Gray. L’éclairage d’une ovation debout par une salle absolument comble magnifiait l’issue du concert et leur tenue mignonne ou proprette d’enfants doués aux yeux remplis de force et d’espoir. Peut-être, en fin de concert, avec cette photo à saisir, aura t-on de quoi faire fondre l’inflexible coeur de pierre de la direction de Commission Scolaire de Montréal si jalouse du talent et de l’intelligence que l’étude de la musique magnifie. Car on leur coupera l’an prochain les vivres et dans l’indifférence d’un public saturé d’actions infâmes au quotidien, on assassinera un autre volet de notre riche culture québécoise (si nous nous comparons avec le reste de l’Amérique du Nord où tant de grandes villes ont perdu leur orchestre et leurs musiciens dans la plus pure insouciance voire l’apathie des foules jeuvidéoïsées atteignant la limite de la toxicité).
Plus tôt en soirée, nous avions eu droit aux prestations incomparables d’un très grand pianiste français de fière allure dont j’ai collectionné, adolescent tardif, l’intégrale des Concertos pour piano et orchestre de Rachmaninoff (4 disques avec l’Orchestre de Toulouse sous Michel Plasson Connaisseur Society 70-5626 et les Études-tableaux CS2075) puis toute la musique pour piano de Gabriel Fauré (5 albums EMI, enregistrée à 22 ans) . Avec sa stature élégante, droit comme un grand arbre, toujours aussi rythmiquement solide à 71 ans que l’était Alfred Cortot, monsieur Jean-Philippe Collard nous a fait le cadeau de trilles incomparables, lumineuses, cristallines, célestes au mouvement lent du Concerto en sol de Ravel.
L’oeuvre lui est manifestement gravée au cerveau (EMI Lorin Maazel Orchestre national de France C-069-03679, version de beaucoup supérieure à celle Pascal Roger-Dutoit-OSM). Nagano l’a accompagné avec grâce (comme le maestro l’avait fait avec Martin Helmchen dans Schumann à l’automne) en lui laissant espace et lumière. Au tout début de la soirée, Collard a rehaussé l’interprétation des Oiseaux exotiques de Messiaen avec une vingtaine de concertants absolument choisis parmi les premiers solistes des pupitres de l’OSM, toujours sous un bienveillant Kent Nagano en grande forme printanière. Encore cette fois-ci, dois-je ajouter que notre chef signait à l’entracte son superbe livre Sonnez! Merveilles! paru ultimement en anglais après les versions allemandes et françaises? Procurez-vous le! Nagano y parle hautement en faveur de la profonde intelligence que développe avec une pertinence éclairante l’enseignement curriculaire de la musique surtout le grand répertoire.
La Maison Symphonique du concert du 30 avril s’est festivement retrouvée remplie de jeunes et de connaisseurs des oeuvres (personne n’applaudissait entre les mouvements. Partout le recueillement évident, sérénité pour tous et chacun. Évidemment, il ne faut pas demander aux directions des commissions scolaires publiques de venir s’émouvoir au concert ni de lire un tel livre de sagesse musicale et philosophique tel que Sonnez! Merveilles! Mais combien se vérifie, quand même, à chaque représentation musicale de nos ensembles symphoniques, le verdict de maestro Nagano qu’à Montréal, nous sommes des mélomanes enthousiastes choyés du bonheur d’entendre le talent tant celui de l’enfance que celui de la maturité venant chanter l’indescriptible beauté sans laquelle nous flétririons l’existence au quotidien. Aller au concert, c’est revigorant et rassérénant comme d’écouter nos musiciens célébrer le Panthéon grec et romain allegramente comme l’indiquait aussi le premier mouvement du Concerto de Ravel dont la beauté du jardin et de la maison à Mautfort-L’Amaury fait songer à une olympe secrète. Et j’ajouterais à notre joie de vivre montréalaise l’initiative d’étudier, même en autodidacte, la belle et la juste musique. Pour dire enfin un mot encore sur Jean-Philippe Collard , il donne ce soir un récital à la Maison Symphonique. Il appartient sans contredit avec Michel Béroff d’ailleurs pas assez entendu au Québec, hélas (écoutez de Béroff les deux concertos no. 2 et no.3 pour piano et orchestre de Prokofiev avec le Gewandhaus de Leipzig avec Kurt Masur) à la crème des grands pianistes français ayant eu tous deux tout à fait la fougue électrisante de Lucas Debargue voire même celle de George Cziffra.
Photo de Jean-Pierre Collard du site www.jeanphilippecollard.com