J.A.M – de son vrai nom Jamil Assoum – est un passionné des mots, des phrasés, des rimes et de rap. Avec un naturel assumé et désarmant, il a décidé de lancer sa carrière sur la scène québécoise, et ne cesse de se faire remarquer grâce à ses textes et à ses performances. S’il est conscient des difficultés qui viennent avec le statut d’artiste et celui de rappeur, il en faudra plus pour le désarçonner. De rapper, son cœur en a décidé.
Charleyne Bachraty : Mais il y a un autre rappeur qui s’appelle JAM ?!
J.A.M : C’est mon surnom! Toute ma vie, on m’a appelé comme ça. Pour le moment, on est tous les deux confortables avec ça : nos sonorités sont différentes, et j’ai transformé mon nom en acronyme. Et puis qui sait ? On fera peut-être une collaboration ! Moi, je suis positif !
CB : Tu travailles activement à te faire connaître avec ton album Barrières. On voit que tu connais tes classiques, avec un son un peu old-school – la chanson Gemini notamment – Qui sont tes références ? Québécoises, américaines ou européennes ?
J.A.M : Le rap américain, c’est ma première référence. C’est le son qui vient me chercher en premier : Kid Kody par exemple. Mais j’aime aussi la francophonie. Disons que j’ai des influences américaines que je transpose sur du son plus français. J’écoute aussi Stromae, Orelsan, Nekfeu…
CB : Ton album m’a rappelé mon adolescence et des artistes comme Ménélik, Alliance Ethnik, les premiers albums de IAM…
J.A.M : IAM, c’est moins une référence, mais je les ai écoutés. Avec beaucoup de rappeurs actuels, au final, on a les mêmes bases. J’aime beaucoup le style old-school. J’écoute beaucoup d’artistes des années 2010, mais aussi du rap plus récent… donc je dirais que j’ai une façon de rapper old-school, mais au goût d’aujourd’hui.
CB : Qui ou que sont les fameuses barrières qui rendent ton parcours difficile ?
J.A.M : Il y en a plusieurs. De l’extérieur oui, mais de moi aussi. J’écris des textes personnels, qui parlent de ce que je vis : de mon insécurité, de mes sentiments… Ce n’est pas facile, il y parfois de l’orgueil qui peut m’empêcher d’exprimer ce genre d’idées. Et puis, il y a les attentes : qu’est-ce que je devrais dire en tant que jeune, en tant que minorité visible ? En tant qu’artiste, je ressens aussi ces limites à l’école : je suis plutôt bon, et tout le monde me dit que je devrais faire ci, ne pas faire ça… Je dois repousser ces limites, ces barrières qui m’empêchent de faire mon art. Mais, je reçois aussi des encouragements, cela prend du temps. Mais ma force, c’est d’être authentique : je mets du temps, du cœur, beaucoup d’efforts dans ce que je fais et quand les gens se rendent compte de ça, ils commencent à me soutenir. Des gens que je ne connais pas, m’écrivent pour me dire qu’ils se sont reconnus dans mes textes.
CB : Tu as des thématiques très personnelles. Tu parles aussi de choses qui te touchent, comme les attentats de par le monde. Est-ce que tu comptes devenir un rappeur engagé, revendicateur ?
J.A.M : Oui, mais avec des textes plus légers que ceux que l’on peut entendre habituellement. Au micro, je veux être le numéro un. Je vais faire du rap pour faire passer des messages, mais aussi pour prendre du plaisir et me laisser aller, sans forcément avoir toujours des pensées profondes.
CB : Donc, le rap c’est un business ou une vocation ?
J.A.M : Le gros cliché du rappeur avec ses gros bijoux, ses grosses voitures… c’est un cliché qui s’en va de plus en plus. Peut-être que les gens sont encore attirés par ce style, mais moi, je n’ai pas besoin de ça. Le rap est rendu de la pop, on a qu’à penser à Kendrick Lamar ou à Childish Gambino. Avant, les affaires de gang, tout ce côté difficile, pour les rappeurs, c’était la base, c’était ce qu’il y avait de plus vrai. Mais pour moi, ça ne me rejoint pas : je respecte ma réalité.
CB : Tu poursuis tes études en parallèle. Pourquoi ? Est-ce un plan B ?
J.A.M : Le rap est définitivement mon plan A. Mais j’aime apprendre de nouvelles choses. Toutes les ressources disponibles sont bonnes à prendre.
CB : As-tu déjà fait du Slam, toi qui aimes les mots et qui les manies bien.
J.A.M : Au secondaire, j’ai fait un projet de Slam. C’était un texte engagé, de la poésie. Mais, à côté de ça, je n’écoutais que du rap ! Donc, je me suis naturellement plus dirigé vers la musique. Mais une chose est sûre : trouver une façon originale de dire les choses, d’exprimer ses sentiments, c’est que j’aime faire.
CB : Tu as un très bon flow en anglais aussi. Est-ce que tu comptes rapper en anglais dans l’avenir ?
J.A.M : Tout le monde pense que c’est mieux en anglais, mais moi, je parle français tous les jours, c’est la langue que je maîtrise le plus. Si des opportunités se présentent en anglais, je vais les saisir, mais rapper en français, c’est avant tout un choix artistique. Tu sais, Gemini (NDLR : l’un de ses titres), ça veut dire gémeaux. Et c’est ça, je peux fonctionner en dualité, français ou anglais. En fait, cela va être en fonction de ce que j’ai le plus envie de dire ou le plus envie d’exprimer ; je choisis la langue avec laquelle ce sera le mieux exprimé. Mais je fonctionne selon mes intérêts, pas par choix ou par obligation.
CB : Le rap au Québec connaît une percée importante, avec Spotify notamment. Comment comptes-tu de démarquer ?
J.A.M : Grâce à mon authenticité. C’est cette valeur qui va me permettre de rejoindre les gens. Mon histoire, ce n’est pas Hollywood, ce n’est pas impossible. Je suis un gars normal, qui écrit avec le cœur et la tête. Souvent dans le rap, on parle d’histoires dramatiques, des problèmes des jeunes dans des coins défavorisés… Je veux être l’un de ces artistes qui mettent en avant une autre réalité. Les jeunes des écoles privées aussi ont des problèmes. Pourquoi ne pas parler de leurs problèmes aussi ? Le rap, c’est ma passion, et je me mets beaucoup de pression, parce que j’ai dit aux gens que j’allais réussir. Les gens ne comprennent pas toujours à quel point je peux être passionné par ce que je fais, et parfois les encouragements manquent, mais je sais que ce n’est pas intentionnel. Je n’ai pas pris de cours de musique, je travaille en équipe. On échange des idées et on travaille pour faire sonner quelque chose de différent, je crois beaucoup en la collaboration. Une chose est certaine : c’est que je suis toujours en train de travailler mon son, de le découvrir, de le peaufiner. Cet été, je vais faire des festivals, comme OUMF 2019. Je vais profiter de toutes les opportunités qui vont m’être offertes, mais je ne suis pas rendu à vouloir passer à la télé ou à la radio. Je n’ai que vingt ans : je veux d’abord me solidifier en tant qu’artiste et profiter à fond de la scène, avant d’approcher ce côté-là du métier.
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