Voir Sylvie Drapeau et Paul Savoie réunis sur scène est en soi intéressant. Mais, ces valeureux comédiens, guidés par la réputée metteure en scène Martine Beaulne, arrivent-ils à transformer ce roman de Marguerite Duras en pièce de théâtre ? Chose certaine, le propos est sombre, car La maladie de la mort semble sans issue.
Que raconte La maladie de la mort ?
Ce texte remonte à 1982, alors que Duras, souffrant de problèmes d’alcool, dictait à son jeune compagnon, Yann Andrea, ce qui allait devenir La maladie de la mort. Dans l’adaptation de Martine Beaulne, l’homme est d’âge mûr (Savoie) et il fait face à un douloureux constat : c’est qu’il n’a jamais réussi à aimer. Étant ainsi passé à côté d’une importante partie de sa vie, il est atteint de la maladie de la mort, tranche la femme (Drapeau).
Bien sûr, l’écrivaine féministe a choisi de faire porter la maladie de la mort par son personnage masculin. C’est l’homme qui n’a pas su aimer. Quant à la femme, l’auteure en fait une sorte de psychanalyste à la science infuse qui va révéler à l’homme de quoi il souffre. Mais, tout le discours du personnage féminin porte sur le diagnostic et laisse entendre que la maladie de la mort est incurable. Donc, on ne peut parler de progression et encore moins d’action ou d’intrigue dans ce spectacle d’une heure.
Des comédiens chevronnés
Avec leur métier et leur grande sensibilité, Paul Savoie et Sylvie Drapeau tirent sans doute le maximum de ce texte à tout le moins ténébreux. Ils sont beaux à voir dans les nombreuses scènes de sensualité joliment mises en scène. L’évocation de la sexualité demeure très présente dans ces rencontres avec la «femme des nuits payées», même si le résumé de la pièce insiste pour dire que la dame n’est pas une prostituée. Au bout du compte, il en ressort que la jouissance échoue, ici, à faire surgir l’amour.
Cela dit, non seulement on sait dès le début comment ça va se terminer, mais il y a un autre problème de taille. C’est que les deux personnages ne parlent jamais à la première personne ! Ça donne, par exemple : «Vous pourriez l’avoir payée. Vous auriez dit : Il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours. Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c’était cher. Et puis elle demande : Vous voulez quoi ?»
Si ce procédé a pu convenir au lectorat de Duras, il s’avère une embûche pour la langue parlée. Plus encore, certains extraits prononcés par Sylvie Drapeau (enregistrés ?), lorsqu’elle se retrouve derrière des panneaux de verre, sont difficiles à saisir.
Enfin, le décor est agréable et bien éclairé et l’environnement sonore nous berce un peu comme des vagues qu’on entendrait depuis une chambre d’hôtel au bord de la mer.
La Maladie de la mort
Texte : Marguerite Duras
Mise en scène : Martine Beaulne
Avec : Sylvie Drapeau et Paul Savoie
Musique : Vincent Beaulne
Théâtre Prospero
Du 28 janvier au 15 février 2020
Crédit photo : Émilie Lapointe
Paul Savoie et Sylvie Drapeau