Pour son neuvième roman, Johanne Seymour a mis de côté le polar pour nous offrir une belle fable lumineuse avec en trame de fond le monde des libraires ainsi qu’un hommage aux grandes œuvres littéraires et les bienfaits de la lecture. Ce roman est à la fois réjouissant et troublant à certains moments. Johanne Seymour a une plume majestueuse remplie de fantaisie et d’espoir.
Résumé : Par un matin de pluie torrentielle, une explosion sur la rue transforme à jamais l’existence de Simone Vendredi, employée dans un commerce. Elle arrive en retard à son travail, et son patron la congédie. Par la fenêtre de l’autobus qui la ramène à son appartement, elle aperçoit une petite annonce au bas de la vitrine d’une librairie, qui l’interpelle et détourne ses pensées de l’irréparable. Elle l’ignore, mais, depuis l’explosion du matin, Crusoé dérive à la rencontre de son Vendredi… et Simone s’apprête à connaître l’aventure de sa vie.
Dans les premières pages de ce roman, la lumière est loin d’être au rendez-vous. Simone flirte avec la mort depuis un bon moment déjà. Elle en a assez de cette haine, de ces petites violences quotidiennes, qu’elle retrouve un peu partout. «Je suis perméable, c’est tout. Depuis toujours, j’entends l’inexprimé. Je vois l’inavouable. Je perçois les faux-fuyants et les non-dits. Bref, je suis poreuse. J’absorbe l’indicible comme une éponge et, à la longe, c’est harassant. Je suis une ville perpétuellement bombardée et, malgré les murailles que je passe mon temps à ériger autour de moi, en dépit des verrous que j’installe sur mon cœur, je ne parviens jamais à me protéger.»
Quelle plume majestueuse que celle de Johanne Seymour. On ressent les émotions vives de Simone et sa lucidité comme des coups de poignard. On ne connaît pas encore vraiment cette jeune femme, mais après quelques pages seulement, on sympathise avec elle, on s’émeut de ce qui lui arrive, on est touché par sa peine immense et ses signaux de détresse.
Puis, peu à peu, la lumière voit le jour au bout de ce tunnel, alors que Simone entre dans l’univers de cette librairie, aux personnages trop beaux pour être vrais, et dont les noms font penser à de grands auteurs célèbres, Carroll, Dumas, Verne, London. Au contact de ces gens qui ont des vécus assez troublants, font du bien autour d’eux et surtout, ils voient la détresse de Simone et petit à petit lui redonne confiance en la bonté humaine. Les paroles d’Alice, la guerrière, sonnent très véridiques : «Tu vois, le problème avec ceux qui sont en détresse, c’est qu’ils se sentent seuls, invisibles. Ça leur enlève toute volonté de réagir, tout espoir de s’en sortir. Ça transforme le courage en bottine de béton. Le secret… c’est qu’on n’est jamais seul.»
Cette librairie est magique et honnêtement, je me surprends, à la fin de ma lecture, à espérer qu’elle existe vraiment. Mon moment préféré du roman est celui où tous célèbrent l’Action de grâce dans la librairie. Quelle belle initiative, entraide et hommage aux œuvres littéraires. Cela m’a donné le goût de me rendre dans une librairie et renouer avec de grandes œuvres littéraires ou même de découvrir des perles de livres.
Johanne Seymour est comédienne, scénariste (Santa Maria, Diva, Séquelles), metteure en scène (Merci beaucoup?!, Jacques et Normand sans protection, Des vrais hommes) réalisatrice (Emma, Cent titres, La Dernière Pomme) et romancière. Le Cri du cerf, son premier roman, est publié en 2005 et Kate McDougall, sa détective fétiche, conquit aussitôt les lecteurs. Eaux fortes, paru en 2012 chez Libre Expression (coll. Expression Noire), est le cinquième et dernier volet des enquêtes McDougall. Outre la série des enquêtes McDougall, Johanne Seymour a écrit Wildwood, un roman d’apprentissage sur fond noir remarqué par la critique, ainsi que Rinzen et l’homme perdu, finaliste au prix Arthur Ellis 2017 du meilleur roman policier de langue française. Rinzen, la beauté intérieure, le deuxième opus de la série Gyatso, paru à l’automne 2018, a été finaliste au prix Arthur Ellis 2019 du meilleur roman policier de langue française ainsi qu’au prix Saint-Pacôme 2019 du meilleur roman policier. Johanne Seymour est également la fondatrice du festival international de littérature policière Les Printemps meurtriers de Knowlton (2012-2016). Elle travaille présentement sur Danse-moi, une adaptation télévisuelle inspirée des personnages de la série Rinzen Gyatso. Le Goût de l’élégance est son neuvième roman.
Date de parution : 11 Mars 2020
Nombre de pages : 168 pages
Prix : 22.95$
Éditions Libre Expression
http://www.editions-libreexpression.com/