L’écrivaine Kim Thuy s’est inspirée de la série documentaire The Vietnam War et d’une photo d’une enfant qui dormait dans une boîte et d’un garçon étendu à côté d’elle, pour écrire son plus récent roman Em, aux éditions Libre Expression, en librairie dès le 4 novembre. Cette amoureuse des mots et des gens décrit les horreurs, mais aussi les petits gestes héroïques du quotidien. Elle nous tisse les liens entre les divers personnages vulnérables, ce qui les unit et les rend plus fort ensemble. Ce récit est fort, cru, émouvant et inspirant. Ce roman de Kim Thúy est de loin mon préféré.
Résumé : Em, qui signifie en vietnamien «petit frère», «petite sœur» ou encore «bien-aimée», explore les façons dont les humains traumatisés par la guerre et l’exil sont poussés à rechercher l’amour et le cercle familial lorsque leur passé les rattrape. À travers les destins liés d’une famille de personnages, le roman évoque autant l’Opération Babylift, qui a permis l’évacuation de Saigon de milliers d’orphelins biraciaux en avril 1975, que l’industrie du vernis à ongles et des salons de manucure, en passant par les plantations de caoutchouc dans l’Indochine d’antan. Em, c’est celle qui aime.
Avec à peine un peu plus de 150 pages, ce roman peut sembler bien mince et simple à lire, rapidement. Dans les faits, ce roman se lit à petite dose, car chaque mot a été choisi avec précision et a son importance. Le style particulier de la plume de Kim Thúy est à son apogée dans ce roman, à mon avis. Avec une belle poésie des mots, un rythme mélodieux, des histoires menées par ces fils de vies qui s’entrecroisent, et une grande humanité, Kim Thúy nous fait découvrir le quotidien des gens qui ont vécu, ont été terrorisés, meurtri et changé à jamais par la guerre du Vietnam.
Au lieu de nous présenter des statistiques, de nous donner une vue d’ensemble de l’horreur de cette guerre, elle prend une loupe pour nous présenter en gros plan les détails du quotidien de l’un, le geste banal de l’autre, qui sans le savoir, aura un effet bienfaiteur sur la vie d’autrui, ou encore une répercussion dévastatrice pour quelqu’un d’autre. C’est pour cela qu’il faut prendre le temps de lire chaque petit chapitre de deux ou trois pages, de le laisser s’imprégner en nous, même si les images fortes et crues qui sont décrites nous font mal, il faut les absorber au même titre que les beaux moments d’espoir et les sublimes histoires d’amour nous font du bien.
Je dois également mentionner la superbe page couverture. Louis Boudreault a fait un travail de génie, en liant une multitude de fils, qui s’échappent d’une boite, et qui s’entrecroisent dans le titre du livre (et même en sortir du livre littéralement), jusque dans diverses pages du roman. C’est une image forte et symbolique de tous les liens qui unissent les personnages et les divers événements qui nous sont racontés. C’est ainsi que Kim nous relate des faits horribles et nous raconte la guerre, à travers les yeux de ceux qui l’ont vécu : l’esclavage des coolies vietnamiens dans les plantations d’hévéa, le massacre de My Lai et celui d’autres villages, la vérité derrière l’opération Babylift, les ravages de l’agent orange et autres herbicides, de même que la conquête des salons de manucure par les Vietnamiennes. Elle raconte aussi le succès de l’opération Frequent Wind qui a permis d’évacuer de Saigon plusieurs milliers de personnes de manière in extrémis.
Dans les premières pages de ce livre, Kim nous explique que les histoires qu’elle nous raconte sont vraies à 90 %. « Je vais vous raconter la vérité, ou du moins des histoires vraies, mais seulement partiellement, incomplètement, à peu de chose près… Si votre cœur se serre à la lecture de ces histoires de folie prévisible, d’amour inattendu ou d’héroïsme ordinaire, sachez que la vérité entière aurait très probablement provoqué chez vous soit un arrêt respiratoire, soit de l’euphorie. Dans ce livre, la vérité est morcelée, incomplète, inachevée, dans le temps et dans l’espace… Entre-temps, je vous promets dans les mots qui suivent un certain ordre dans les émotions et un désordre inévitable dans les sentiments. »
Je voudrais en profiter pour remercier Kim Thúy et Véronique Dery des éditions Libre Expression de m’avoir envoyé, avec le livre, un des plus beaux et pratiques objets promotionnels que j’ai reçu à date. Un masque à l’image du livre. Wow ! Je l’adore et je le porte fièrement.
Née à Saigon en 1968, Kim Thúy a quitté le Vietnam avec les boat people à l’âge de dix ans et s’est installée avec sa famille au Québec. Elle a reçu plusieurs prix, dont le Prix littéraire du Gouverneur général en 2010, et a été l’une des quatre finalistes du Nobel Alternatif en 2018. Ses livres (Ru, À toi, Vi, mãn, les secrets des Vietnamiennes) dont les ventes montent à plus de 765 000 copies partout dans le monde, sont traduits en 29 langues et 40 pays et territoires. Em paraîtra en France, en Suède, en Allemagne, en Finlande, au Canada anglais, aux États-Unis et en Grande-Bretagne en 2021.
Date de parution : 4 novembre 2020
Sujet : Littérature québécoise
Nombre de pages : 152 pages
Prix : 24,95 $
Éditions Libre Expression : http://www.editions-libreexpression.com/