Qu’ont en commun Marina Orsini, Gino Vannelli, Josée di Stasio, Aldo Nova et Guido Molinari ? Ils sont tous de descendance italienne et nés au Québec, plus précisément à Montréal, pour la plupart. Et ce ne sont là que quelques-uns des représentants d’une communauté qui a contribué à façonner la vie montréalaise, alors qu’actuellement près de 280 000 de nos concitoyens se déclarent Italo-Montréalais.
Ce qui saute aux yeux dans l’exposition Montréal à l’italienne qui s’ouvre aujourd’hui (10 mars 2021), c’est de voir à quel point le partage culturel a permis de tisser des liens profonds entre Italiens et Québécois. Saviez-vous, par exemple, que la toute première marionnette de Bobinette, de la célèbre émission pour enfants Bobino, avait été créée par un Italo-Québécois à partir de dessins de Michel Cailloux ? Il s’agit de Edmondo Chiodini qui a aussi fabriqué des marionnettes d’autres séries dont Pépinot et Capucine. D’autre part, n’est-ce pas un certain Vittorio qui signait les affiches si caractéristiques du Festival Juste pour rire et même deux pochettes de disque pour Offenbach, groupe culte du rock québécois ?
D’ailleurs, l’un des prêteurs de cette exposition est le chanteur Italo-Montréalais Marco Calliari qui a enregistré, il y a quelques années, plusieurs classiques de la chanson québécoise en italien dont Ayoye (Offenbach), Lindberg (Charlebois), Frédéric (Léveillée) et La Manic (Dor). Pareils mariages créatifs auraient-ils été possibles dans le climat de dénonciation d’appropriation culturelle qui prévaut aujourd’hui ? Bref, l’harmonie qui se dégage de cette sympathique exposition de plus de 300 objets prêtés par divers organismes et familles Italo-Montréalais a quelque chose de réconfortant, surtout après tant de mois d’isolement.
Un long voyage pour changer de vie
Le boute-en-train Calliari raconte avoir souvent entendu son père parler de son long voyage d’une dizaine de jours depuis l’Italie jusqu’à Halifax, en 1961, à bord d’un bateau, comme celui qu’on aperçoit sur une immense photo, à l’entrée de l’exposition. Papa Calliari avait alors quitté son village, dans le but de trouver du travail et refaire sa vie en Amérique. On était alors dans la deuxième vague d’expatriation des Italiens, puisque des problèmes économiques et politiques avaient incité plus de 14 millions de personnes à quitter ce pays, entre 1861 et la Première Guerre mondiale. Montréal qui était alors la capitale économique du Canada avait accueilli une partie de cet exode. Les nouveaux arrivants italiens étaient souvent recrutés pour travailler aux installations ferroviaires, à la construction immobilière, etc.
Bien qu’il soit né à Montréal, Marco Calliari a voulu voir de ses yeux la maison abandonnée où avait vécu son père, dans un village du nord de l’Italie. Il en a rapporté divers objets dont un crucifix remarquablement bien conservé. Le parcours nous amène d’ailleurs à constater le savoir-faire de la communauté italienne dans le domaine de l’art religieux. Dans les années 1950, Montréal comptait une dizaine d’ateliers de sculpture tenus par des Italiens. Leur technique de sculpture au plâtre aura même pris le dessus sur la sculpture sur bois qui se pratiquait ici. À lui seul, le Studio Nincheri, dont des pièces sont intégrées à l’exposition, a décoré des dizaines d’églises québécoises.
Marco Calliari nous fait aussi découvrir une médaille, qui vient de sa grand-mère paternelle. « C’est une médaille que le régime Mussolini distribuait aux parents, pour encourager les naissances. Les fascistes donnaient 3000 lires pour une fille, 5000 lires pour un garçon, et il y avait une prime si le bébé s’appelait Benito, comme le Duce. » Une boucle argentée était ajoutée au ruban de la médaille pour chaque nouveau-né.
Les Italiens et le sport
Côté sport, on souligne que les Italiens ont contribué à populariser le cyclisme à Montréal. Cette exposition permet d’ailleurs de voir un véritable vélo-taxi à deux places. Ce véhicule conçu pour Expo 67 a été développé par Bicycles Quilicot, une entreprise toujours en opération qui a été fondée en 1915 par Louis Quilicot, né en Turquie d’un ingénieur italien venu s’installer à Montréal avec sa famille en 1911.
Boire et manger
On fera aussi escale au Marché Jean-Talon, véritable symbole de la Petite Italie de Montréal. C’est le moment d’observer des pratiques culinaires qui témoignent du bonheur de vivre. La tomate, on la cultive, on la transforme ou non mais, toujours, on la savoure !
Impossible de ne pas évoquer les cafés italiens, lieux de socialisation où l’on parle de résultats sportifs ou de politique. Le visiteur peut d’ailleurs visionner divers documents audiovisuels évoquant des moments de l’histoire qui ont fait réagir la communauté italienne de Montréal. On y voit, entre autres, René Lévesque expliquer le sens de la loi 101, à l’époque de son adoption.
Distanciation
Pour respecter les mesures de distanciation liées à la pandémie, on doit limiter le nombre de visiteurs. «On prévoit pouvoir accueillir une centaine de personnes à l’heure», estime Anne Élisabeth Thibault, directrice générale de Pointe-à-Callière, ajoutant que tous les pavillons du musée sont maintenant ouverts. «En temps normal, on pourrait recevoir de 3 à 4 fois plus de visiteurs. L’écart est énorme et, franchement, c’est l’aide du gouvernement fédéral aux travailleurs qui nous permet de continuer.»
Montréal à l’italienne à Pointe-à-Callière, Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal, à compter du 10 mars 2021