Après la parution d’un premier collectif de nouvelles autochtone, Amun, en 2016, sur la réalité singulière des Premières Nations, Wapke – « demain » en langue atikamekw – est le premier recueil de nouvelles sur l’avenir autochtone publié au Québec. Toujours sous la direction de l’écrivain et chef d’antenne de TVA Michel Jean, quatorze auteurs autochtones de talent, d’horizons diversifiés, se projettent dans le futur par le biais de la fiction, abordant des thèmes sociaux, politiques et environnementaux d’actualité.
Autant le premier recueil de nouvelles Amun m’avait ouvert les yeux sur la réalité bien différente et fascinante des autochtones, autant ce deuxième collectif de récits Wapke, nous projette dans un futur inquiétant, déroutant et émouvant, qui m’ont fait bien réfléchir.
On le sait, après la tragique mort de Joyce Echaquan, et comment au fil des décennies le peuple autochtone a toujours dû se battre pour son territoire et ses acquis, il n’est pas surprenant de voir ces récits de fictions sur leur avenir, teinté de pessimisme envers les autorités gouvernementales et policières. On retrouve aussi dans quelques récits une lueur d’espoir de renouveau, de retour à la case départ pour repartir en neuf. Ce recueil contient une vision saisissante de l’avenir vu par les autochtones et c’est un peu troublant pour moi.
Parmi les textes qui m’ont ému, il y a Cécile de Katia Bacon (Innue), qui raconte l’histoire de sa grand-mère et dont la fin est saisissante. Les grands arbres de Michel Jean est une histoire très captivante d’un frère et une sœur, d’une initiation à la chasse et une expédition palpitante en forêt. Cyndy Wylde (Anicinape et Atikamekw) nous propose Pakan (autrement), une histoire qui débute avec la pandémie et une idée de puce pour éliminer les autochtones. Cela donne froid dans le dos, mais c’est une belle leçon de vie à la fin. J’ai adoré.
Également, Elisapie Isaac (Inuk), nous propose 2091, une très belle histoire d’un guide touristique en 2091, à Salluit au Nunavik. Isabelle Picard (Wendat) nous amène dans le quatrième monde faire la rencontre d’Elsie et Ida qui tentent comme elles le peuvent de conserver un peu de leur culture dans ce futur où le contrôle policier et gouvernemental fait peur. Et la fin est inattendue et géniale.
Parmi les histoires plus sombres, il y a celle-ci qui m’a déroutée et presque déprimée, Les saucisses de J. D. Kurtness (Innue). Habituée d’écrire des romans glauques, elle nous propose ici un futur des plus pessimistes qui fait bien réfléchir sur ce qui est important dans la vie.
Au final, ces textes qui parlent de la préservation et protection de leur identité, de leur culture et de leurs savoirs dans un avenir plus ou moins lointain, sont très révélateurs des inquiétudes de ce peuple, peu importe la communauté à laquelle ils sont originaires. À cela s’ajoutent les inquiétudes au sujet de notre système de santé inadéquat, les enjeux climatiques et les effets de la pandémie sur l’économie et la société, qui viennent hanter tous les peuples au Québec et au Canada. Donc, on peut tous se sentir interpellés par ces textes. Et j’aime bien penser que grâce à ces nouvelles, je peux aller à la rencontre de ces autochtones et en apprendre plus sur eux et ce qui les préoccupe. Et en bonus, j’ai découvert des mots de leur langue et des traditions et cultures qui sont, oui différentes des miennes, mais c’est une ouverture à l’autre qui me fait du bien.
Il y a un mélange et une variété d’âges et de nations, réunir de belles plumes autochtones
AVEC DES NOUVELLES INÉDITES DE Joséphine Bacon (Innue), Katia Bacon (Innue), Marie-Andrée Gill (Innue), Elisapie Isaac (Inuk), Michel Jean (Innu), Alyssa Jérôme (Innue), Natasha Kanapé Fontaine (Innue), J.D. Kurtness (Innue), Janis Ottawa (Atikamekw), Virginia Pésémapéo Bordeleau (Crie), Isabelle Picard (Wendat), Louis-Karl Picard-Sioui (Wendat), Jean Sioui (Wendat) et Cyndy Wylde (Anicinape et Atikamekw)
Michel Jean est un chef d’antenne, un animateur et un reporter d’enquête primé et apprécié du public québécois. Innu, il est l’auteur de huit livres. En mars 2017, il a été invité au Salon du livre de Paris, grâce au titre Amun, un recueil de nouvelles dont il a assuré la direction.
Date de parution : 5 mai 2021
Nombre pages : 216 pages
Prix : 27.95$
Éditions Stanké : https://stanke.ca/
Voici le lien vers mon appréciation du plus récent roman de Michel Jean, Kukum, toujours en tête des palmarès des meilleures ventes et gagnant au Combat National des livres à l’émission Plus on est de fous plus on lit : https://lesartsze.com/kukum-de-michel-jean-sublime-histoire-dun-peuple/