C’est confirmé ! Autant à la Maison symphonique qu’à la salle Bourgie, on va recommencer à offrir des concerts, dès la semaine du 7 février (2022). Du côté de I Musici de Montréal, on mise sur un programme Haydn et Schubert pour ramener le public à la salle Pierre-Mercure. Chose certaine, ce retour sur scène revêt une signification particulière pour le violoncelliste invité, Stéphane Tétreault.
On peut dire que le vent a tourné juste à temps pour permettre la présentation devant public de «L’héritage de Yuli», un concert en hommage au fondateur de I Musici de Montréal, Yuli Turovsky. Stéphane Tétreault qui a étudié le violoncelle avec le maître d’origine russe se souvient : le concerto de Haydn que je vais jouer le 10 février, je l’ai travaillé et retravaillé avec Yuli qui l’a lui-même interprété durant toute sa carrière. Les leçons se poursuivaient parfois jusqu’aux petites heures du matin ! Pouvoir rejouer cette musique avec un orchestre qu’il a fondé a quelque chose de profondément émouvant pour moi !»
Tétreault se joindra aussi à I Musici dirigé par Jean-François Rivest pour l’interprétation de la «version orchestrale» du Quatuor en ré mineur no 14 de Schubert, «La Jeune fille et la mort». «C’est une oeuvre qui fait appel à des techniques vertigineuses et qui demande une très grande rapidité d’exécution», souligne le musicien.
Rappelons que ce quatuor tient son nom de son deuxième mouvement, un thème à variations basé sur un Lied («Der Tod und das Mädchen» D 531), que Schubert avait composé sur un poème de Mathias Claudius. Écrite il y a près de deux-cents ans, cette oeuvre de Schubert aura fait couler beaucoup d’encre. Pour sa part, le musicologue français François-René Tranchefort s’y est intéressé en ces termes : «Chromatismes et triolets de croches s’insinuent telles des ombres fantomatiques et accroissent l’hallucination d’un Prestissimo conclusif que ponctueront deux violents accords, définitifs», selon le musicologue français François-René Tranchefort.
«C’est une chance de pouvoir livrer notre hommage en présence de spectateurs, même si, au mieux, seulement la moitié des sièges sera occupée», ajoute Stéphane Tétreault. L’énergie du public est irremplaçable et cela se sentira non seulement dans la salle, mais aussi dans la captation vidéo.»
Un Montréalais né à Moscou.
Saisissons l’occasion pour rappeler les grandes lignes de la carrière exceptionnelle de Yuli Turovsky (1939-2013) et de son précieux apport à la culture québécoise.
Surdoué, le petit Yuli commence l’apprentissage du violoncelle à l’âge de sept ans et entre au conservatoire Tchaïkovski. Vainqueur du Concours de violoncelle de l’URSS en 1969, il obtient le 2e prix lors du Concours international Printemps de Prague en 1970. Il voyage alors dans plusieurs pays en tant que membre de l’Orchestre de chambre de Moscou du célèbre Roudolf Barchaï.
En 1976, il quitte l’URSS avec sa femme la violoniste Eleonora Leonova-Turovsky. Ils s’installent à Montréal et forment le Duo Turovsky. En 1983, il fonde, avec madame Turovsky, I Musici de Montréal, un ensemble d’une quinzaine de musiciens dont le répertoire s’étend du baroque à la musique contemporaine.
Au fil des ans, l’orchestre de chambre va présenter des centaines de concerts. I Musici a aussi gravé de nombreux disques dont un consacré à des oeuvres du compositeur de la musique du film «Le Violon rouge», John Corigliano. On se souvient également de l’album «Carmen Suite» imprégné des qualités acoustiques de l’église de La Nativité de la Sainte-Vierge de La Prairie, au sud de Montréal.
Chostakovitch, Schubert, Mozart, Verdi, Keith Jarrett, etc., la curiosité de Turovsky semblait illimitée. On l’a d’ailleurs vu diriger I Musici pour accompagner l’auteur-compositeur-interprète québécois Michel Rivard, au Théâtre Outremont, en 2009.
Le pédagogue qui avait enseigné, entre autres, au Conservatoire de Moscou poursuivit son oeuvre au Conservatoire de musique du Québec (1977-1985) et à la Faculté de musique de l’Université de Montréal (1979-2012). De 1996 à 1999, il a été directeur artistique du Centre d’arts Orford où il a instauré un prestigieux Concours de musique.
Vers la fin de sa vie, il fonde l’orchestre de chambre Nouvelle Génération, pour y accueillir de jeunes musiciens dont plusieurs de ses étudiants, notamment, Stéphane Tétreault et Airat Ichmouratov, compositeur et clarinettiste du groupe montréalais Kleztory.
Souffrant de la maladie de Parkinson, Yuli Turovsky arrivera quand même à diriger une partie du premier programme de Nouvelle Génération, le 18 mai 2011, à la salle Pollack. Ce sera son tout dernier concert. Yuli Turovsky est décédé à Montréal, le 15 janvier 2013, à l’âge de 73 ans. Même si le musicien avait quitté son pays d’origine depuis plus de 35 ans, le quotidien russe Izvestia lui a alors rendu un vibrant hommage.
À notre tour de replonger dans l’héritage de ce grand artiste avec le violoncelliste Stéphane Tétreault, qui était l’un de ses élèves préférés.
Stéphane Tétreault et l’héritage de Yuli
I Musici de Montréal / Jean-François Rivest, direction
Stéphane Tétreault, violoncelle
Programme
Haydn : Symphonie no 59 en la majeur, Le feu / Concerto no 2 en ré majeur
Schubert : La jeune fille et la mort
Salle Pierre-Mercure, le jeudi 10 février à 14h et 19h30.
Disponible en webdiffusion du 17 février au 6 mars