I Musici invite le pianiste Charles Richard-Hamelin pour un concert principalement consacré à la musique russe. Alors que certains orchestres ont rayé de leurs programmes des oeuvres de compositeurs nés en Russie, le directeur de l’ensemble montréalais, Jean-François Rivest, ne croit pas à cette forme de protestation contre la guerre en Ukraine.
Les cas de représailles envers des artistes russes se multiplient depuis le 24 février dernier. En plus des solistes qui sont désinvités, plusieurs oeuvres de compositeurs sont retirées des programmes de concert. Par exemple, dès le 25 février, l’Orchestre philharmonique de Zagreb a décidé de ne pas jouer deux œuvres de Tchaïkovski, dans le but de témoigner de sa solidarité envers les Ukrainiens.
«Retirer Tchaïkovski, c’est ridicule !», estime Jean-François Rivest, premier chef invité de I Musici. «Ce compositeur a vécu au 19e siècle ! Comment peut-on l’associer à la guerre en cours ?» Monsieur Rivest ajoute que la formation qu’il dirige n’a fait l’objet d’aucune pression pour boycotter les compositeurs russes. «Les artistes et peut-être les musiciens en particulier sont là pour aider les humains à transcender leurs chicanes. La musique ne connaît pas de frontières!»
I Musici va donc interpréter, comme prévu, le Concerto pour piano et trompette n° 1, de Chostakovitch, avec Charles Richard-Hamelin qui mène une carrière florissante, depuis qu’il a obtenu la Médaille d’argent au Concours international de piano Frédéric-Chopin à Varsovie, en 2015. À ses côtés : Stéphane Beaulac , trompette solo de l’Orchestre métropolitain qui a aussi été membre de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles.
En plus de vanter ce «concerto flamboyant avec trompette folle et qui finit par un ragtime», Rivest rappelle que le compositeur en question a vécu la période soviétique et qu’il est justement un symbole de résistance aux dérives autoritaires.
D’ailleurs, rappelons que ce même concerto a été joué par l’Ukrainien Serhiy Salov, dans un concert de l’Ochestre classique de Montréal, dédié à l’Ukraine, quelques jours avant le déclenchement de la guerre. Le directeur général de l’OCM, Taras Kulish, dont les parents sont nés en Ukraine, avait alors expliqué aux ArtsZé le sens de ce choix musical : «parce qu’il (Chostakovitch) représente l’insoumission aux autorités soviétiques. Il désapprouvait les méthodes des dirigeants de l’URSS et traduisait sa belle ironie en musique.»
Mais pourquoi deux orchestres montréalais présentent-ils la même oeuvre à un mois d’intervalle ? «On ne peut pas tout savoir de ce que les autres préparent», répond Rivest. «Et puis, je dirais que c’est sans conséquences. C’est un peu comme si vous preniez dans votre discothèque une autre interprétation du concerto pour écouter l’oeuvre avec un nouvel éclairage.»
I Musici dirigé par le fils de Chostakovitch
Rivest ajoute que le programme de ce concert s’inscrit dans l’ADN de l’orchestre de chambre fondé par le Moscovite Yuli Turovsky en 1984.
Difficile de le contredire car, I Musici a même gravé sur disques les deux concertos pour piano de Chostakovitch, avec le fils du compositeur (Maxim) comme chef et son petit fils, Dmitri Chostakovitch junior au piano (Chandos, 1985 / 1986)
Chostakovitch adapté par Rivest
Au programme, également, le tumultueux Quatuor no 3 de Chostakovitch, dans une adaptation avec percussions de Jean-François Rivest.
Écrite en 1946, cette oeuvre est à la fois une réflexion sur la guerre et un requiem pour ses victimes. Pour ajouter du mordant à certains mouvements, Rivest fait intervenir la caisse claire, le tambour et la grosse caisse. Cette adaptation a été jouée, entre autres, par les Violons du Roy sous la direction de Rivest, en 2003.
Consoler
«Il faut aussi que notre concert apporte de la consolation au public, en cette période difficile. Ce sera le cas avec les valses de Brahms. C’est la musique la plus tendre de ce grand compositeur allemand ! Rien n’évoque mieux l’amour que la musique de Brahms.»
Charles Richard-Hamelin et Chostakovitch
I Musici de Montréal / Jean-François Rivest, chef
Stéphane Beaulac, trompette
Programme:
Brahms : Liebeslieder Walzer (Hermann), Valses # 1, 2, 5, 11 et 17
Chostakovitch : Concerto no 1, pour piano et trompette
Chostakovitch : Quatuor no 3 (adaptation avec percussions de J.F. Rivest)
Salle Pierre-Mercure, 24 mars à 14h et 19h 30