La drag queen Gisèle Lullaby, première québécoise à remporter la compétition télévisuelle Canada’s Drag Race, a bien fait rire son public, ce jeudi soir, au Cabaret du Casino de Montréal, où elle se produit également les 1er et 2 septembre. Ce personnage exubérant, incarné par le Bouchervillois Simon Gosselin, s’avère aussi un danseur électrisant et un comédien désopilant qui n’est pas sans rappeler Marc Labrèche et son personnage de Brenda dans Le Coeur a ses raisons. Gisèle qui a fait ses classes au Cabaret Mado, n’a pas la langue dans sa poche mais elle n’abuse pas des grivoiseries. Entourée de quatre danseurs, elle transporte les spectateurs dans son univers déjanté, à travers des sketchs filmés où elle incarne plusieurs personnages.
Humoriste nouveau genre ?
D’abord cantonné dans le milieu des bars et dans la communauté LGBTQ+, l’art de la drag déborde maintenant largement ces frontières. L’engouement des Québécois pour ces reines excentriques est tel qu’elles sont en demande dans les écoles et défilés de Noël, les congrès, les terrains de camping, etc. Qu’est-ce qui explique cette popularité croissante?
Chose certaine, Gisèle ne se limite pas à faire du lip sync sur des succès de Céline, Madonna, Lady Gaga, etc. Elle raconte une histoire qui est, en fait, une parodie de l’univers des drag queens. C’est ainsi qu’elle apparaît à plusieurs reprises sur un grand écran en présentatrice de nouvelles qui annonce que «la reine du Canada» s’est fait voler sa couronne! Elle cède l’antenne à une journaliste d’enquête qui analyse divers scénarios tous plus loufoques les uns que les autres. On a aussi droit à des commentaires larmoyants comme on nous en sert souvent aux bulletins de nouvelles télévisés.
Ces séquences soigneusement filmées s’insèrent à travers des numéros où «la reine» et ses danseurs se trémoussent sur divers rythmes, au grand bonheur du public. Diamonds are forever, It’s all Coming back to me, I will survive, etc., on a choisi des chansons qui sont rattachées à l’histoire, grâce aux mimiques humoristiques de Lullaby. Il y a là un filon intéressant mais, en ce soir de première, les transitions n’étaient pas toutes au point et il y a eu plusieurs temps morts.
Une drag bien québécoise
Cela dit, Gisèle joue la carte de la fierté nationale, du fait qu’elle a été choisie superstar de la drag canadienne, au détriment de compétitrices de Toronto et d’Ottawa. D’ailleurs, ses admirateurs réagissent à tout coup par des cris d’enthousiasme, lorsqu’elle ordonne à l’éclairagiste de remplacer les lumières rouges, couleur symbolique du Canada, par des lumières bleues, plus représentatives du Québec.
Plus encore, la vamp aux costumes clinquants sait faire plaisir à son public en délaissant parfois la pop anglo-saxonne pour des refrains de Marie Mai et même de la Marjo de l’époque de Corbeau. La soirée se terminera d’ailleurs par une séance de lip sync particulièrement appréciée sur des chansons en français de Céline: On s’est aimé à cause et J’irai où tu iras. Ici encore, ce qui cartonne, c’est la gestuelle caricaturale de Gisèle, une artiste définitivement multi-disciplinaire!
Règlement de compte amical
Mais, qui donc a volé la couronne de l’intrépide souveraine? Sans divulgâcher l’un des temps forts du spectacle, disons que Mado Lamotte vient ajouter son grain de sel virtuel…
En résumé, le grand public découvre Simon Gosselin, 35 ans, en pleine possession de ses moyens. Dommage que le texte signé Marla Deer se résume à une intrigue aussi mince! Par contre, la mise en scène de Tommy Joubert est bien rythmée et bénéficie largement de la complicité de dynamiques danseurs (Xavier Legault, Ed Thelusmon, Annie Fortin, Valérie Pomainville), sous la direction de Jean-François James.
Enfin, Gisèle elle-même a un magnétisme indéniable! D’ailleurs, lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, l’an dernier, le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francoeur, a admis que si on lui donnait le choix, il préférerait aller au bal avec Lullaby, plutôt qu’avec la mairesse Valérie Plante. Les temps changent!
Gisèle Lullaby
Cabaret du Casino de Montréal
1er et 2 septembre / Billets
*Photos prises par Sarah-Louise Jean-Louis