Patrick Senécal, écrivain prolifique de roman d’horreur et de thriller, depuis 30 ans (Premier roman, 5150 rue des Ormes publié en 1994), signe son vingt-deuxième roman Civilisés, aux éditions Alire. Pour cette nouvelle création littéraire, Patrick Senécal renoue avec l’humour noir et entraine le lecteur dans une expérience fascinante qui analyse le comportement humain dans tous ses travers. Ce roman satirique captive le lecteur de la première à la dernière des 631 pages, avec une belle brochette de 12 individus de milieux différents de personnalités diverses avec des défis à réaliser. Une expérience inédite où de vives émotions, joie, peur, anticipation, terreur et bien sûr horreur sont au rendez-vous.
Résumé : « Recherchons douze individus pour expérience scientifique passionnante. Celle-ci, supervisée par des psychologues, cherche à étudier et analyser les comportements des humains lorsqu’ils se retrouvent dans un groupe précis dans un contexte particulier.
Les participant(e)s doivent s’attendre à une aventure très immersive, très stimulante, mais qui demandera de l’adaptation physique et psychologique à des situations pas toujours faciles.
Les participant(e)s doivent avoir entre 18 et 70 ans. Nous vous garantissons qu’en plus de servir la science, vous sortirez humainement transformés de cette aventure. »
Ils seront donc douze individus, provenant de tout horizon, à vivre quelques jours ensemble, isolés du reste du monde. Ils formeront malgré eux une communauté de laquelle surgira parfois le meilleur, parfois le pire, et souvent le plus ridicule de l’humain.
Civilisés : quand Patrick Senécal propose sa vision de la véritable société égalitaire – celle qui n’épargne personne !
Je ne suis pas une grande amatrice des romans d’horreur, mais je suis toujours à l’affut des nouveautés de Patrick Senécal, car, au-delà de l’horreur, je suis une grande admiratrice de sa plume intelligente, imagée, capable autant de créer des ambiances angoissantes, que de nous présenter les travers de notre société en y ajoutant une touche d’horreur et d’humour noir, ce qu’il réussit à merveille dans Civilisés. Ma collection préférée de romans de Patrick Senécal est en fait la série Malphas, pour laquelle il s’était lancé une forme de défi d’humour trash, noir, mêlé à un thriller captivant. Alors, en sachant que l’auteur a voulu renouer avec l’humour noir et que Civilisés débute par une petite annonce qui incite autant la curiosité et l’intérêt, je n’ai pu résister à plonger à nouveau dans son univers insolite et terrifiant!
Dès la première page, alors que le narrateur (qui parle au nom de l’auteur, mais qui parle au nous) interpelle le lecteur à tout moment dans le roman, pour nous questionner, nous faire réfléchir et même pour entrainer dans un genre de dialogue entre le narrateur et nous-mêmes. On a vraiment l’impression de suivre un feuilleton télévisé où on regarderait une série du genre Survivor, ou Big Brother avec l’intervention de Marie-Mai à l’occasion. Mais on s’entend qu’on est bien loin des petits défis et punitions de Big Brother ou de Survivor.
Une des grandes forces de Patrick Senécal réside dans sa construction de l’histoire. Plus particulièrement dans ce roman de plus de 630 pages, il prend bien le temps de nous présenter ses personnages, issus de la diversité, qu’il a étoffé à l’image des certains stéréotypes, caricatural même parfois, un peu grossit, souvent pour rendre leur comportement plus drôle pour le lecteur, mais tout de même représentant certains genres d’humains de notre société. L’auteur dresse un portrait grinçant de notre époque, avec tous ses extrêmes. Il y a des gens de tous les métiers, policiers, médecins, étudiants, comédiens, écrivains, agronomes, avocats. Il y a également la diversité des ethnies et des âges, sans compter tout le bagage psychologique de ces humains en termes de racisme, homophobie, misogynie, manipulation, santé mentale. Bref, une microsociété où sont réunis une belle brochette d’humains qui verront leurs valeurs mises à l’épreuve, leurs convictions ébranlées et leur vision d’eux-mêmes questionnées.
Le narrateur explique : « Comme il y aura douze participants dans cette histoire, que les informations sur eux seront importantes… l’auteur a réservé à la fin du présent volume quelques pages avec les noms des protagonistes où vous pouvez noter des informations sur chacun d’eux au fur et à mesure. Cela vous permet aussi de participer, jusqu’à un certain point, à l’expérience en cours, ce que vous comprendrez un peu plus loin.» C’est une très bonne idée, même si je n’ai pas osé aller écrire dans le livre.
Ensuite, une fois la table mise, l’auteur embarque tous ces humains et le lecteur, dans une aventure extraordinaire, où rebondissements, frayeur, hilarité, déception, angoisse et anticipation se bousculent de page en page. Si vous pensez pouvoir mettre ce livre de côté, une fois la lecture amorcée, vous vous trompez. J’ai lu ce roman en 2 jours à peine, ne pouvant pas me résoudre à le fermer.
J’adore la façon dont le narrateur parle au lecteur, pour parfois faire la transition de lieu et de temps ou encore pour faire travailler le lecteur. C’est très original comme idée. Voici un extrait : «Nous pourrions ici dresser une description de cette ambiance bucolique, mais ce serait fort long et peu utile. De plus, nous devrions effectuer des recherches précises et fastidieuses, tout cela pour épater la galerie en couchant sur papier une kyrielle de noms d’arbres, de plantes et d’oiseaux que la plupart d’entre vous seraient de toute façon incapables de reconnaître. Donc, imaginez une superbe forêt quasi tropicale avec palmiers et autres arbres luxuriants…»
Et le narrateur n’hésite pas à dialoguer avec le lecteur : «La question qui vous vient peut-être à l’esprit est celle-ci : vous, personnellement, auriez-vous aimé participer à une telle expérience ?… Pourquoi donc ? Parce que votre vie est ennuyante ? Parce que vous cherchez l’aventure ?….» Il nous fait nous questionner et j’adore cela.
Effectivement, je crois qu’une des raisons qui fait que cette histoire m’a happé aussi rapidement vient du fait que j’aurais probablement répondu affirmatif à participer à ce projet, juste en lisant l’annonce. (comme je l’ai fait pour participer au gros laboratoire de Jean-René Dufort). Quelle erreur cela aurait été de ma part!
Finalement, ce qui m’a le plus interpelé dans ce roman, c’est toute la psychologie des personnages, que l’auteur a vraiment pris le temps de bien étoffer. Chacun a ses petites manies, accent, manières de parler qui fait qu’on a l’impression de les entendre et de les reconnaitre dans les dialogues. Même si certains traits de caractère sont parfois grossis, on s’amuse des prises de bec des divers participants. Naturellement, on aborde le racisme, les immigrants, le consentement, les différences de point de vue, féminisme, misogynie, mais aussi les woks, les réseaux sociaux, la santé mentale, les manipulateurs, etc. et on voit comment certaines personnes se donnent bonne conscience en justifiant leurs actions et en niant leurs travers.
Je dois également souligner l’excellent travail de Jeik Dion qui signe l’illustration de la page couverture du roman. Cela est bien représentatif du roman que nous lisons. Et le titre Civilisés est, à mon avis, extrêmement bien choisi. Plus on avance dans les sections du livre, plus le titre perd de ses lettres et se déforme, comme pour suivre le rythme de ce qui se passe dans cette expérience. Génial !
Patrick Senécal est né à Drummondville en 1967. Bachelier en études françaises de l’Université de Montréal, il a enseigné pendant plusieurs années la littérature et le cinéma au cégep de Drummondville. Passionné par toutes les formes artistiques mettant en œuvre le suspense, le fantastique et la terreur, il publie en 1994 un premier roman d’horreur, 5150, rue des Ormes, où tension et émotions fortes sont à l’honneur. Son troisième roman, Sur le seuil, un suspense fantastique publié en 1998, a été acclamé de façon unanime par la critique. Après Aliss (2000), une relecture extrêmement originale et grinçante du chef-d’œuvre de Lewis Carroll, Les Sept Jours du talion (2002), Oniria (2004), Le Vide (2007) et Hell.com (2009) ont conquis le grand public dès leur sortie des presses. Sur le seuil et 5150, rue des Ormes ont été portés au grand écran par Éric Tessier (2003 et 2009), et c’est Podz qui a réalisé Les Sept Jours du talion (2010). Trois autres adaptations sont présentement en développement tant au Québec qu’à l’étranger.
Date de parution : 28 mars 2024
Nombre de pages 631 pages
Prix : 36,95 $
Éditions Alire : https://www.alire.com/
Mon appréciation de son roman précédent : https://lesartsze.com/resonances-patrick-senecal/