En attendant Le rêveur dans son bain de Hugo Bélanger, reporté à cause de la pandémie, le Théâtre du Nouveau Monde présente un spectacle-laboratoire où l’auteur et ses comédiens construisent, devant le public, cette pièce qui verra le jour durant la saison 2022-2023. Où en est ce chantier de création ? Compte rendu de Construire le rêve.
Après son succès avec Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne, Hugo Bélanger retrouve la scène du TNM avec les comédiens Carl Béchard, Éloi Cousineau, Normand D’Amour, Renaud Lacelle-Bourdon, Carl Poliquin, Sébastien René, Marie-Ève Trudel et Cynthia Wu-Maheux.
Inspiré par le magicien Jean-Eugène Robert-Houdin, ainsi que la magie de Georges Méliès, qui fut illusionniste avant d’être cinéaste, Bélanger a aussi puisé dans l’univers des bandes dessinées de Winsor McCay pour imaginer un personnage d’ermite, vivant dans un cabinet de curiosités. Cet homme rêve dans son bain, en attendant «celle qui n’aurait jamais dû partir.»
On connaît la propension du metteur en scène et son Théâtre Tout à Trac à fabriquer un monde à la frontière de la magie et du rêve, tout en s’amusant à dévoiler certaines ficelles du théâtre. En ce sens, le spectacle est déjà bien avancé. On prend plaisir à tenter de comprendre où est passé ce personnage qui était dans une valise quelques secondes plus tôt et qui a disparu. Comment Ondine (Cynthia Wu-Maheux) a-t-elle pu se glisser dans la baignoire du rêveur sans qu’on s’en rende compte ?
À ce stade-ci du travail, les comédiens qui se démarquent le plus sont Normand D’Amour (le rêveur), magistral dans chacune de ses interventions, ainsi que Renaud Lacelle-Bourdon, le fils tour à tour sarcastique et fougueux, de même que Sébastien René en Octave agile et omniprésent. Reste à voir si les autres personnages occuperont plus de place dans la production finale.
Briser la magie ?
Bref, on se laisse gagner par cet univers qui oscille entre l’onirique et le réel puisque Bélanger intervient régulièrement pour diriger son équipe et que les comédiens lui répondent et parfois s’interrogent à voix haute. Puis, vers la fin de la représentation, Cynthia Wu-Maheux lance que ce spectacle «manque de femmes».
Elle énumère alors les noms de créatrices du domaine de la photo et du cinéma qui auraient été écartées de l’histoire. C’est comme si, pour se conformer aux dictats de la bien-pensance de notre époque, on s’excusait de s’intéresser à ces trois hommes marquants (Méliès, McCay et Robert-Houdin), en laissant entendre que l’histoire a retenu leurs noms parce qu’ils sont des hommes. Faut-il rappeler, entre autres, que 150 ans après sa mort, Robert-Houdin, surnommé le «père de la magie moderne», est toujours considéré comme l’un des plus grands prestidigitateurs de tous les temps ?
Du même souffle, on fait en quelque sorte le procès du père (Normand D’Amour). Son fils (Renaud Lacelle-Bourdon) lui reproche son égocentrisme et l’accuse d’avoir ruiné la carrière en photographie de sa mère. On apprend alors que cette dernière a mis fin à ses activités professionnelles pour s’occuper de son fils car elle jugeait son mari incapable de veiller sur l’enfant. Le ton monte tellement, ici, que la magie s’en trouve brisée.
Un silence s’est installé dans la salle après cette digression. Heureusement, le rassembleur Normand D’Amour rattrape la balle au bond. Il nous fait remarquer que nous vivons ce silence ensemble, alors qu’il ne nous était plus possible d’être ensemble, au théâtre et ailleurs, depuis des mois ! Le spectacle se termine sur cette note d’espoir.
Pour vivre pleinement cette émotion, on peut assister au spectacle en chair et en os au TNM jusqu’à samedi (9 mai). Pour tout ce qui a trait à la construction du spectacle à travers les échanges entre le metteur en scène et les comédiens, on peut aussi opter pour la webdiffusion.
Construire le rêve (spectacle-laboratoire de la pièce Le rêveur dans son bain)
Texte original et mise en scène : Hugo Bélanger
Avec : Carl Béchard, Éloi Cousineau, Normand D’Amour, Renaud Lacelle-Bourdon, Carl Poliquin, Sébastien René, Marie-Ève Trudel, Cynthia Wu-Maheux
Au TNM du 4 au 9 mai 2021
En webdiffusion du 21 mai au 7 juin 2021
Durée : 70 minutes
Une création du Théâtre Tout à trac en collaboration avec le TNM