La famille est sans doute un sujet inépuisable. Plusieurs y ont vécu des moments difficiles. Injustice, secrets douloureux, espoirs déçus, sentiments d’abandon, etc., tout cela habite la partition dense de Disparu.e.s.
Malgré la cruauté de plusieurs personnages, l’auteur Tracy Letts n’en fait pas que des monstres; il met aussi en lumière la complexité de chacun. Le dramaturge américain a d’ailleurs remporté, en 2008, le prix Pulitzer et le prix Tony du meilleur texte pour cette pièce originellement intitulée August : Osage County.
En 2013, il y a eu une adaptation au grand écran réunissant, entre autres, Meryl Streep et Julia Roberts. Puis, cette année, la traduction de Frédéric Blanchette et la mise en scène de René Richard Cyr sont réussies au point que, même si l’action se déroule en Oklahoma, on se sent tout aussi concernés que s’il s’agissait de gens d’ici ou peut-être même des nôtres.
Les comédiennes à l’avant-plan
Tout commence alors que le père de famille, poète jadis célèbre, disparaît mystérieusement. Ses trois filles sont alors réunies d’urgence auprès de leur mère, Violet Weston, incarnée par Christiane Pasquier qui livre, ici, une performance mémorable ! Souffrant d’un cancer et d’une dépendance aux médicaments, elle se montre à la fois despotique et vulnérable. Chacune de ses apparitions a de quoi faire rire et pleurer. Elle reproche, notamment, à sa fille Barbara, de s’être éloignée de la famille et d’être ainsi en bonne partie responsable du drame qui vient d’éclater. Confrontée à une telle accusation, Barbara tente de se défendre en allant jusqu’à la violence physique. Là encore, la fragilité du personnage est mise en lumière, grâce au doigté de Marie-Hélène Thibault.
Même si l’ambiance est explosive, des rires fusent ça et là, grâce, notamment, à Sophie Cadieux, une autre des soeurs Weston, qui rêve de mariage à Miami et de voyage à Hawaï. Quant aux personnages masculins, ils sont plus ou moins développés et cantonnés à des rôles secondaires. Mention spéciale à Renaud Lacelle-Bourdon qui passe du comique au tragique avec une aisance remarquable. Quant à la nouvelle venue, Alice Dorval, fille d’Anne Dorval, elle tire son épingle du jeu en adolescente intransigeante et consommatrice de stupéfiants.
En résumé, les histoires familiales qui composent Disparu.e.s ne sont pas nouvelles, mais elles sont racontées, ici, avec nuances, sans que l’exercice tourne au tribunal des bons et des méchants. Les comédiens jouent bien et sont bien dirigés sur ce grand plateau plutôt sombre, comme ces dures retrouvailles familiales.
Lumière sur des climato-sceptiques
Merci au Théâtre Duceppe pour ses projections de textes et d’images d’archives qui transforment l’entracte en une occasion d’en apprendre davantage sur l’univers de la pièce Disparu.e.s, qui se déroule, en Oklahoma, dans une chaleur suffocante. On a notamment recensé des informations qui témoignent du climato-scepticisme dans cet état américain où l’industrie pétrolière est un pilier de l’économie. Voilà ce qu’on pourrait appeler un théâtre bien ancré dans notre époque.
Disparu.e.s
Texte : Tracy Letts
Adaptation et mise en scène : René Richard Cyr
Avec : Chantal Baril, Yves Bélanger, Sophie Cadieux, Alice Dorval, Hugo Dubé, Antoine Durand, Renaud Lacelle-Bourdon, Roger Léger, Guy Mignault, Christiane Pasquier, Kathia Rock, Évelyne Rompré, Marie-Hélène Thibault
Durée : un peu plus de 2h 30, incluant l’entracte
Au Théâtre Duceppe
Jusqu’au 23 novembre