Après six mois de silence, c’était soir de première médiatique (jeudi, 10 septembre 2020) au Théâtre Duceppe qui ouvre sa saison avec une nouvelle mouture de Toutes les choses parfaites, un solo de François-Simon Poirier, déjà présenté en formule 5 à 7. Ce qui frappe en entrant dans cette immense salle, où les trois quarts des sièges sont inoccupés à cause des mesures liées à la COVID, c’est l’abondance d’ampoules lumineuses qui parviennent presque à faire oublier les places vides. Mais cette pièce intime réussit-elle à s’imposer dans ce vaste théâtre ? Critique de Marc-Yvan Coulombe.
«Jean qui pleure et Jean qui rit»
Première constatation, cette adaptation de l’oeuvre du Britannique Duncan Macmillan Every Brilliant Thing semble prédisposer le public à se remémorer de bons souvenirs et à répondre volontiers aux appels lancés par le comédien à qui des spectateurs donneront la réplique.
Rappelons que le protagoniste raconte que lorsqu’il était enfant, il s’est mis à noter par écrit tout ce qu’il aimait, soit, «toutes les choses parfaites» : la crème glacée, l’odeur du pain qui cuit, etc. Son but était alors de redonner le goût de vivre à sa mère dépressive, mais au fil des ans, la liste s’est allongée et elle est devenue un réconfort pour lui-même.
Difficile de rester indifférent devant cette pièce où l’humour alterne habilement avec l’évocation délicate de la dépression et du suicide. C’est là un art qu’apprécierait sans doute Voltaire, lui qui dans son poème « Jean qui pleure et qui rit », écrit au XVIIIe siècle, soulignait la versatilité de l’être humain, capable de souffrir de déprime le matin et d’aller festoyer le soir.
L’un des défis du metteur en scène Frédéric Blanchet était d’amener le public réparti dans ce spacieux théâtre à échanger des répliques avec le comédien. En effet, plusieurs spectateurs sont appelés à prononcer des phrases écrites sur le siège placé devant eux. Malheureusement, on aura perdu bien des mots dans ce jeu qui fonctionnait sans doute mieux en formule 5 à 7.
Cela n’empêche pas le héros de la soirée de s’amuser dans ce spectacle, où il n’hésite pas à s’asseoir au piano à quelques reprises pour entonner des chansons qui ont marqué sa vie.
Quant à la traduction de Jean-Simon Traversy, elle réussit à nous donner l’impression que le protagoniste pourrait être notre voisin, ou nous-même. On s’étonne, alors, qu’il n’y ait pas une seule chanson en français parmi ses souvenirs. Aurait-on pu pousser l’adaptation en ce sens ?
Cela dit, le convainquant François-Simon Poirier a su trouver dans la salle, plusieurs comédiens improvisés qui ont joué, notamment, le père de son personnage. Une spectatrice est aussi montée sur scène pour incarner sa fiancée qui l’a demandé en mariage à genoux. À noter que la scène a été jouée en présence d’un plexiglas entre les amoureux…
En résumé, ce spectacle d’environ 70 minutes est enjoué, intelligent, voire réconfortant. On en avait presque oublié la pandémie, mais il a bien sûr fallu remettre les masques pour sortir du théâtre, en attendant les appels pour chaque rangée.
Cette représentation était dédiée à Michel Dumont, qui s’est éteint le mois dernier, après avoir dirigé le Théâtre Jean-Duceppe durant 27 ans.
Toutes les choses parfaites, au Théâtre Jean-Duceppe, jusqu’au 27 septembre
Texte: Duncan Macmillan Mise en scène: Frédéric Blanchette
Traduction: Jean-Simon Traversy Interprétation: François-Simon Poirier
Décor, costumes et accessoires: Jeanne Ménard-Leblanc
Lumières : Renaud Pettigrew