I Musici de Montréal lançait sa saison automnale, en cet après-midi du 12 novembre, avec un concert diffusé en direct et disponible en webdiffusion, jusqu’à dimanche. On y assiste virtuellement à l’interprétation du Stabat Mater de Pergolesi par les étoiles montantes Myriam Leblanc et Maude Brunet. Intitulé «Sombre clarté», ce programme triple dirigé par Jean-Marie Zeitouni comporte aussi deux oeuvres contemporaines dont une création. Compte rendu de Marc-Yvan Coulombe
Les défis de la webdiffusion
Depuis des mois, j’entends des mélomanes s’interroger : la webdiffusion de concerts de musique classique en vaut-elle le coût ? Vais-je y trouver satisfaction ? Chose certaine, si vous n’avez pas encore tenté l’expérience, vous pouvez maintenant le faire en encourageant la résilience de l’équipe d’I Musici. En effet, bien que tardivement, l’ensemble montréalais reprend du service après s’être trouvé un nouveau toit en l’Église St. Jax. Ce déménagement, vraisemblablement temporaire, s’imposait car la scène de la salle Bourgie ne permettait pas d’accueillir tous les musiciens de la formation et leurs invités, en respectant les mesures de distanciation.
On a donc misé sur une oeuvre phare de la musique baroque, soit la composition la plus populaire de l’Italien Giovanni Battista Pergolesi, écrite quelques mois avant sa mort, en 1736. Pour quiconque s’intéresse aux nouveaux visages de la scène lyrique, c’est l’occasion de constater la richesse des qualités vocales de la soprano Myriam Leblanc et la mezzo-soprano Maude Brunet. Ce sont des images de ces deux artistes, placées à l’arrière de la scène, sur une surface plus élevée que l’ochestre, qui prédominent, comme il se doit, durant la captation de cette pièce. Les voix sont d’une grande justesse et se fondent merveilleusement. Les attaques sont précises. La douleur de Marie devant la crucifixion de son fils Jésus-Christ s’entend dans la musique que Zeitouni obtient d’I Musici.
Juste avant cette pièce de résistance, le maestro nous a présenté «en première mondiale», une oeuvre de la Canadienne Kelly-Marie Murphy. «In the Time of our disbelieving» est une musique très contrastée, où les violons semblent parfois plonger dans un univers tragique à grands coups d’archets. On songe alors à l’emblématique cellule rythmique de l’ouverture de la Symphonie no 5 de Beethoven. C’est I Musici qui a commandé cette nouveauté à madame Murphy, compositrice qualifiée de «Bartok sur les stéroïdes» par le Birmingham News.
Quant à la pièce pour contrebasse, «Dark with excessive bright» (2018) de Missy Mazzoli, elle nous a paru fort hermétique pour l’ouverture d’un concert. Plus encore, Livetoune a mis plusieurs minutes à cadrer le soliste Yannick Chênevert, se donnant corps et âme dans cet exercice de virtuosité.
En résumé, I Musici démontre sa rigueur et sa polyvalence dans ce concert d’environ 65 minutes, regroupant une oeuvre du 18e siècle connue de tous et des musiques contemporaines à découvrir. Mais, il ne faut pas s’attendre à des miracles de la webdiffusion. Surtout depuis l’ouverture de la Maison symphonique et de la salle Bourgie, nous nous sommes habitués à une richesse sonore qui perd bien des plumes dans nos tablettes et ordis.
Dans les cas de spectacles qui ont une dimension théâtrale, comme par exemple, Le Petit prince présenté au TNM avec des musiciens de l’OM, on peut dire que les différents points de vue des caméras et le montage ajoutent certains atouts à l’ensemble, ce qui n’est pas le cas, pour les concerts traditionnels de musique classique. C’est donc dans cet esprit qu’on peut acheter les liens offerts par nos orchestres surtout pour encourager nos musiciens et entretenir en soi la flamme du mélomane.
I Musici de Montréal / Jean-Marie Zeitouni
Sombre Clarté : concert de 65 minutes
Programme : Missy Mazzoli (1980-) Dark with Excessive Bright (2018) Yannick Chênevert, contrebasse / Kelly-Marie Murphy (1964-) In The Time Of Our Disbelieving / Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736) Stabat Mater
En webdiffusion sur la plateforme Livetoune, jusqu’au 15 novembre