Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, rue St-Denis, rebaptise sa «salle principale» du nom de Michelle-Rossignol, qui a été la directrice artistique du CTD’A durant une dizaine d’années. La première pièce qu’on y joue met en vedette Marie-Thérèse Fortin dans Nassara, un mot qui signifie le Blanc ou la Blanche en moré, une langue du Burkina Faso. La metteure en scène Sophie Cadieux a d’ailleurs dû faire preuve de débrouillardise, car cette pièce de la dramaturge Carole Fréchette repose en bonne partie sur la collaboration d’un comédien malien, à qui Ottawa a refusé l’accès au Canada. Malgré tout, la magie du théâtre est au rendez-vous.
Dans un décor qui s’apparente à la fois à une place publique et une salle de conférence, Marie-Thérèse Fortin est drôle et attendrissante dans son rôle de Québécoise un peu timide qui prend part à un colloque international sur l’agriculture urbaine à Ouagadougou. En plus de nous décrire ses pairs avec quelques pointes d’ironie, elle joue leurs rôles à l’occasion, en se moquant un peu de leur grandiloquence.
Au milieu de l’évocation d’enjeux agricoles internationaux, surgissent les grands chagrins de cette femme, prénommée Marie-Odile. Son coeur souffre surtout de l’absence de son fils Baptiste qui est parti, probablement en Asie, sans donner de nouvelles depuis des années. Il y a aussi sa soeur qui n’a jamais connu le bonheur mais qui, avant de mourir, lui a confié avoir été presque heureuse à Ouagadougou, notamment, grâce à la beauté des enfants de cette ville.
Puis, en pleine conférence, surgit un jeune homme armé d’une kalachnikov. Tous tentent de le raisonner, mais Ali clame sa colère contre un monde dont il se sent regardé de haut, voire exclus. «Vous pensez que vous savez tout, mais vous ne savez rien de moi… Je m’en fous d’Allah!», précise-t-il. Agressif, il lance à ses otages qu’il veut se libérer de la «boule de feu» qu’il a dans son ventre. Commettre un carnage lui permettrait-il de calmer sa rage ? Par sa voix menaçante, le comédien malien, Moussa Sidibé, parvient à nous plonger dans un climat de grande tension. On ne verra son visage en vidéo que vers la fin du spectacle.
Tout au long de la pièce, on bénéficie grandement des mises en contexte de la narratrice incarnée par Stephie Mazunya. Elle expliquera, notamment, en quelques phrases bien ciselées, comment cette idée de violence est née chez Ali.
Si la première heure de la pièce est captivante, le monologue de Marie-Thérèse Fortin qui fait suite à l’irruption d’Ali est longuet et on perd des mots. Quant aux projections vidéos, elles sont répétitives. Enfin, espérons que ce spectacle coproduit avec une compagnie burkinabé soit un jour présenté, comme prévu, avec Sibidé qui devient l’un des piliers de cette histoire.
Un don de 1,4 M $
En début de soirée, l’actuel directeur artistique Sylvain Bélanger a rappelé que le conjoint de Michelle Rossignol, Jacques Desmarais octroie au CTD’A un don de 1,4 M $ pour la création du Fonds de dotation Michelle-Rossignol du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Les intérêts générés par cette somme permettront, entre autres, d’aider à la production de la première pièce d’un·e auteur·trice, à la relecture d’une pièce du répertoire québécois, etc. Rappelons que Michelle Rossignol est décédée, en mai 2020, à l’âge de 80 ans.
Nassara
Texte : Carole Fréchette / Mise en scène : Sophie Cadieux
Avec : Marie-Thérèse Fortin, Stephie Mazunya et la voix de Moussa Sidibé
À la salle Michelle-Rossignol du CTA’D, jusqu’au 25 septembre 2001