Avec Le rêveur dans son bain, incarné par Normand D’Amour, le Théâtre du Nouveau Monde nous entraîne dans un univers teinté de magie et d’emprunts aux codes de la bande dessinée et du cinéma. Le metteur en scène Hugo Bélanger s’amuse à explorer la mécanique du rêve, avec tout le savoir-faire de son équipe, le Théâtre Tout à Trac. On se souviendra que cette bande d’audacieux créateurs s’est illustrée au TNM, en 2015, avec une adaptation du Tour du monde en 80 jours de Jules Verne, dont on parle encore aujourd’hui.
Cette fois-ci, Bélanger nous donne rendez-vous avec un ermite grincheux, bien servi par le fougueux Normand D’Amour. Ce dessinateur de bandes dessinées qui n’arrive plus à créer, est installé dans sa baignoire depuis plus de vingt ans, en attendant le retour de sa muse. Mais qui est donc cette femme qui le rend si nostalgique. On la découvrira plus tard sous les traits de la pétillante Cynthia Wu-Maheux.
Pour l’heure, une situation d’urgence se dessine. Le fils du rêveur, incarné avec justesse par Renaud Lacelle-Bourdon, lui annonce qu’on veut l’évincer de son logis. Mais, le vieillard résiste! Pourquoi tient-t-il à demeurer dans ce capharnaüm? On ne le saura clairement qu’à la fin du spectacle.
Que deviendrait la vie sans rêve et sans création? C’est l’une des questions fondamentales abordées à travers les conversations entre le rêveur et ses visiteurs, dont Octave joué par l’excellent Sébastien René, qui vous rappellera sans doute Philémon, personnage du bédéiste français Fred (Frédéric Othon Théodore Aristidès).
Pendant que se multiplient des effets visuels parfois redondants, dont de récurrents lancers de boules lumineuses, le rêveur convoque sur scène des créateurs des XIXe et XXe siècles. Carl Poliquin incarne l’illusionniste français Jean-Eugène Robert-Houdin. Marie-Ève Trudel fait revivre l’artiste plasticienne allemande Hannah Höch. Éloi Cousineau se glisse dans la peau du réalisateur et illusionniste français Georges Méliès. Carl Béchard, à qui on a confié le rôle du bédéiste et cinéaste d’animation américain Winsor McCay, se démarque avec ses indéniables talents de comique.
Le rêveur insiste pour rappeler à notre mémoire des artistes, précurseurs dans leur domaine, qui ont été éclipsés par des personnalités plus flamboyantes qu’eux.
L’homme tourmenté devra aussi tenter de maintenir les ponts avec son fils, malgré leur relation à tout le moins conflictuelle.
Du même souffle, Bélanger soulève une épineuse question: doit-on tout pardonner aux artistes, incluant l’opportunisme qui leur permet parfois de régner aux dépens des autres?
Ces sujets fort sérieux semblent détonner dans un spectacle aussi fantaisiste, dont l’histoire, plutôt mince, s’étire durant une heure et quarante-cinq minutes, sans entracte.
De plus, le fait de savoir, dès le début, que l’énergique Normand D’Amour sera confiné dans un bain durant presque tout ce temps a un effet d’éteignoir.
Heureusement, cette improbable odyssée est magnifiée par un environnement visuel magique, campé dans l’imposant décor de Jonas Veroff Bouchard, savamment mis en valeur par les éclairages de Luc Prairie. Mais, cela suffira-t-il à ranimer votre coeur d’enfant?
Le rêveur dans son bain
Création et mise en scène: Hugo Bélanger
Avec Normand D’Amour dans le rôle-titre
Au Théâtre du Nouveau Monde, jusqu’au 27 mai / Détails