Pour son septième livre, Les Cachettes, Guy Lalancette propose à ses lecteurs un polar fin et énigmatique, où la poésie des mots est aussi puissante que le mystère qui entoure la disparition d’une fillette de cette étrange famille au passé rempli de secrets. Les Cachettes, chez VLB éditeur m’a permis de découvrir un auteur à la plume riche, vive et sensible.
Résumé :
La fois où je n’ai pas été morte dans la neige en plein jour, c’est la fois où j’ai été le plus loin pour me trouver parce que je n’avais jamais été autant perdue, je pense. Je ne sais pas comment en parler mais je sais ce que ça fait, c’est comme trop de lumière et je ne vois plus rien. Je ne peux pas en parler chez moi, ils ne comprendraient pas.
La petite Claude Kérouac, onze ans, a disparu, mais il faut 48 heures à ses proches pour s’en apercevoir. Quand la police est enfin appelée, les agents découvrent une famille chaotique et désunie. Chez les Kérouac, la vérité vous file sans cesse entre les doigts. Claude, depuis le lieu où elle s’est cachée, se confie à une psychologue antipathique. Tour à tour candide et trop lucide pour son âge, parfois cruelle, elle livre sa version d’un sombre roman familial.
Ce roman est construit de manière à alterner avec un chapitre sur l’enquête par les policiers et un chapitre où la petite Claude parle à une psy (fictive ou non, reste à voir) tout en se laissant aller intérieurement à ses réflexions. Ainsi, le lecteur apprend à connaître petit à petit cette petite fille singulière, aux comportements parfois étranges et à la lucidité plutôt développée pour son âge. En même temps, le lecteur progresse lentement dans l’enquête, en découvrant peu à peu l’identité des gens de cette nombreuse famille et leur passé plus ou moins joyeux.
Guy Lalancette nous tient en haleine avec ce polar, tout en secouant nos émotions, en nous présentant cette fillette à laquelle on s’attache, mais en même qui nous perturbe par son comportement. Très tôt dans le livre, on veut savoir ce qui se cache dans le passé de cette famille pour comprendre pourquoi Claude préfère les cachettes, les non-dits, son monde imaginaire et faire de mauvais coups. Au fil des pages, le lecteur est bousculé dans ses émotions et dérouté par les revirements de situations. Cette famille, bien qu’elle soit dysfonctionnelle, on s’y attache et on comprend peu à peu pourquoi elle est devenue aussi particulière.
Ce n’est certes pas un roman simple à lire. L’auteur s’attend de nous que l’on fasse des liens avec les événements qu’il nous présente dans le désordre. Mais ce qui est le plus difficile à cerner, ce sont les réflexions de Claude, qui parle avec ses mots et définitions du dictionnaire, ses tics de langage dans un babillage d’enfant de huit ans qui a des réflexions d’âge adulte. Le tout est amené dans une belle poésie rythmée, entremêlée de réflexions et d’imaginaire. En voici un exemple :
« J’aimerais bien être autre chose, comme une chanson qui prend toute la place, ou un après-midi de soleil pour mettre de la lumière partout. Mais la lumière, ça m’éparpille, ça disperse tout, et je ne peux plus m’attraper. J’aimerais mieux être aveugle avec une canne blanche comme Monsieur Rhéaume qui marche dans notre rue le matin et le soir. Peut-être qu’il n’est pas aveugle pour vrai et qu’il a trouvé cette idée-là pour se cacher, pour être quelqu’un d’autre. C’est une bonne place pour se cacher d’être dans le noir en plein soleil. C’est une idée qui m’arrive de plus en plus et j’y pense de plus en plus : on peut se cacher en se montrant – ce n’est pas tout à fait comme Fanny avec ses robes – ou en exhibant son absence. EXHIBER, v. tr. Faire voir à quelqu’un, au public. Une idée que je ne comprends pas bien. Il faut que j’en parle à Monsieur Rhéaume si je peux. Je dis des bêtises : je le connais bien, Monsieur Rhéaume; il ne fait pas semblant, c’est un vrai aveugle, il peut tout voir. Il ne se montre pas pour se cacher.»
Lorsque j’ai tourné la dernière page et que toutes les pièces du puzzle m’ont été révélées, j’ai mieux compris cette famille éclatée et dysfonctionnelle. Et cela m’a donné le goût de relire tous les chapitres des réflexions de la petite Claude pour pouvoir mieux en saisir toute l’étendue d’émotions et d’humanité.
Guy Lalancette est l’auteur des romans Les yeux du père (2011, prix roman Abitibi-Consolidated et finaliste au prix France-Québec), Un amour empoulaillé (2004, finaliste aux prix du Gouverneur général et France-Québec), La conscience d’Éliah (2009, prix roman du Salon du livre du Saguenay et finaliste au prix des Cinq Continents de la francophonie) et Le bruit que fait la mort en tombant (2011, prix récit du Salon du livre du Saguenay).
Prix : 26.95$
Nombre de pages : 264 pages
Date de parution : 22 janvier 2020
Éditions : VLB éditeur