Pour son troisième livre publié chez XYZ, Lucie Lachapelle a choisi une histoire de rédemption, d’émancipation, de libération et de solidarité, avec Les étrangères, qui nous fait découvrir des personnages vrais, percutants, touchants et au final très attachants.
Résumé : Rose quitte précipitamment sa Gaspésie natale avec son enfant. Au cœur de l’été, elle échoue dans un quartier populaire de Montréal. Exilée de sa propre vie, elle entre peu à peu en contact avec les autres femmes de l’immeuble. Perpétue fuit son mari et tout comportement violent; Zeenat pense qu’elle est pourchassée par sa famille; Souad cache les agissements de son fils, car elle a honte; Iulia et Ludmilla sont prisonnières du passé; et Violette, la doyenne de l’immeuble, ne croyait pas retourner un jour au pays qui l’a vue naître. Au fil des événements, des liens se créent. Rose réalise qu’elles possèdent toutes un passé lourd de drames et, malgré tout, l’énergie et le courage de vivre.
Ce roman de Lucie Lachapelle m’a complètement bouleversé, chaviré, et redonné espoir dans l’entraide, le courage et la résilience. J’ai été totalement conquise par la plume de cette auteure que je découvre avec ce roman qui se lit comme un battement de cœur. Par son écriture fine, son approche délicate dans ses descriptions à la fois détaillées et lucides, son regard sensible sur une réalité très actuelle, Luce Lachapelle nous fait découvrir un univers plutôt sombre, soit les familles issues de l’immigration, qui habitent dans un quartier populaire de Montréal, dans un immeuble en décrépitude. Mais au final, elle nous donne une belle leçon de tolérance, nous montre une humanité empreinte d’ouverture aux autres cultures et une entraide essentielle à la survie.
Voici un extrait de la superbe plume de Luce Lachapelle : «Ses réserves de larmes, de cris silencieux, de haine et de rage son épuisées. Rose a guerroyé toute la nuit. Contre la méchanceté des hommes, contre le destin impitoyable, contre la mort. Perpétue lui a parlé de chacun d’eux. La vieille Ludmilla et sa fille ont traversé l’océan dans un conteneur, ça sentait la pisse et les déchets humains. Souad a fui les bombardements, perdu son mari. Et Tomislav, l’amoureux de Julia, il n’a plus de mots, il n’a que sa musique et ses secrets. Le silence s’est imposé devant l’horreur. Violette a perdu tous les siens, Julio est le plus courageux des maris et des pères. Il a conduit sa famille jusqu’ici. Chacune des histoires est prie que l’autre. Ils ont marché, ils ont mendié, ils ont dormi à la belle étoile, à la merci des chiens, des loups, des vipères et des hommes; ils ont été entassés dans des camps; ils ont été violés, emprisonnés, torturés; leurs enfants se sont noyés. Leurs maisons ont brûlé, leurs terres confisquées. Au sortir du sommeil, alors que la lumière filtrait au travers des stores, Rose a eu envie de hurler son indignation, de vomir l’humanité.»
Ce petit roman, d’un peu moins de 200 pages, est le genre de livre qu’on veut lire rapidement, car on est happé par l’histoire et les personnages que l’on découvre d’une page à l’autre. Cependant, c’est aussi le genre de livre que l’on veut lire lentement pour déguster chacune des descriptions empathiques et chaque dialogue empreint d’humanité et de réalisme. Dans un roman, j’aime bien marquer les pages que j’aimerais relire, tellement elles sont bien écrites, et dans ce livre, j’avais envie de marquer chacune des pages.
J’aime bien que le roman débute avec le personnage de Rose qui a quitté précipitamment sa Gaspésie natale avec son fils William et que c’est à travers son regard que l’on découvre ce Montréal, ce quartier, cet immeuble, ces personnages que l’on va apprendre graduellement à aimer. Petit à petit, on change de narrateur, pour se mettre dans la peau des autres personnages et on comprend la réalité de ces personnes au lourd passé de drames et on salue leur courage, leur résilience et on espère une fin heureuse. Rose, Perpétue, Souad, Ludmilla, Violette, Zeenat, ce sont toutes des femmes fortes, des survivantes, qui s’apprivoisent, se confient et s’entraident pour survivre et espérer une vie meilleure. Quelle belle solidarité! Je crois qu’un tel livre pourrait ouvrir les yeux et le cœur surtout des gens qui sont racistes ou encore insensibles à ces immigrants qui veulent juste un refuge pour espérer vivre mieux.
Née à Montréal, Lucie Lachapelle a vécu de nombreuses années en Abitibi où elle a côtoyé le monde amérindien et est devenue mère de deux métis cris. Elle écrit et réalise des films documentaires qui sont diffusés au Québec et à l’étranger. Les étrangères est son troisième livre publié chez XYZ, après Rivière Mékiskan (prix France-Québec 2011) et Histoires nordiques (prix AQPF-ANEL 2014).
http://lucielachapelle-auteur-realisatrice.blogspot.com/
Collection Romanichels
Date de parution : 22 aout 2018
Nombre de pages : 192 pages
Prix : 20.95 $
XYZ éditeur