Attention ! Nous sommes dans une année de célébration qui concerne tous les Montréalais, puisque l’OSM, véritable ambassadeur culturel de Montréal, fête ses 90 ans! D’ailleurs, à compter du 16 janvier 2024, Rafael Payare dirigera une série de concerts de cette passionnante saison anniversaire d’une formation qui a su s’adapter aux changements inhérents à ses neuf décennies d’existence.
Qui aurait dit que cette formation lancée grâce à une subvention de quelques milliers de dollars du gouvernement du Québec, allait attirer, dès les années 1940, des solistes parmi les plus réputés de l’époque dont, Arthur Rubinstein et Claudio Arrau? Avec la détermination de quelques pionniers ambitieux, l’orchestre montréalais allait éventuellement quitter le modeste auditorium Le Plateau (Parc Lafontaine) pour s’installer à la Place des Arts, puis, multiplier les tournées internationales et récolter des prix prestigieux dont des Grammy. Retour sur une épopée montréalaise inspirante !
Les premières moutures de l’OSM
Dès la fin du XIXe siècle, le rêve symphonique habitait des musiciens montréalais. Selon le résumé de l’histoire de l’OSM qu’on peut lire sur le site Internet de l’Orchestre symphonique de Montréal, un premier orchestre fondé par le compositeur Guillaume Couture a œuvré entre 1894 et 1896. Par la suite, le violoniste et chef Joseph-Jean Goulet a créé un nouvel orchestre qui est demeuré en activité de 1898 à 1920. Après quelques années de silence, le clarinettiste et chef Jean-Josaphat Gagnier a fondé un autre orchestre actif de 1927 à 1929.
Le 16 novembre 1934, on annonce la création de la Société des concerts symphoniques de Montréal, qui, vingt ans plus tard, changera de nom pour Orchestre symphonique de Montréal. Au-delà de la question de la musique, on précise alors qu’il s’agit d’«un orchestre au service du public canadien-français». L’annonce est faite par Athanase David qui est à la tête du Secrétariat provincial du Québec, une sorte de ministère à la mission très large qui a existé jusqu’en 1970. Sur la page Wikipédia de l’OSM, on précise que «Athanase David obtient du gouvernement du Québec une subvention de 3 000 $ pour lancer cette initiative culturelle.»
De l’Auditorium Le Plateau à la Place des Arts
Le tout premier concert du CSM a lieu le 14 janvier 1935, à l’Auditorium Le Plateau/Plateau Hall.
Il est dirigé par Rosario Bourdon, multi-instrumentiste, arrangeur et compositeur qui a longtemps travaillé à la Victor Talking Machine Company, une entreprise américaine qui fut un producteur de disques majeur, au début du XXe siècle.
Plusieurs chefs d’orchestre dirigent l’ensemble au cours de sa première saison, dont Wilfrid Pelletier qui est alors associé au Metropolitan Opera.
Le maestro montréalais deviendra le premier directeur artistique du CSM, à partir de 1935, en développant des concepts qui ont contribué à ancrer l’orchestre dans la communauté.
Dès novembre 1935, on assiste à l’inauguration des « Matinées symphoniques pour la jeunesse », concerts adaptés pour les jeunes avec initiation aux différents instruments de l’univers symphonique.
À l’été 1938, c’est le début d’une longue tradition de concerts gratuits au Chalet du Mont-Royal.
Puis, en 1940, on lance le Prix Archambault, ancêtre du Concours OSM qui a couronné, entre autres, Léopold Simoneau, Joseph Rouleau et Charles Richard-Hamelin.
Le travail du directeur général de l’Orchestre, Pierre Béique, porte ses fruits dès la saison 1940-1941, où se succèdent, à l’OSM, les chefs Sir Thomas Beecham, Sir Ernest MacMillan, etc.
Infatigable ambassadeur de l’Orchestre, Béique multiplie les voyages et attire, à Montréal, des géants de la musique dont les chefs Bruno Walter, Igor Stravinsky, Rafael Kubelik, George Szell, Leonard Bernstein et Otto Klemperer.
À partir de la saison 1941-1942, le Belge Désiré Defauw succède à Pelletier qui va remplir son nouveau mandat de directeur du Conservatoire de musique de Montréal, tout en conservant des fonctions au Metropolitan Opera.
Le maestro russe Igor Markevitch qui avait fait grande impression durant la saison 1956-1957 de l’OSM, en dirigeant Le Sacre du printemps de Stravinsky, deviendra à son tour directeur musical de l’orchestre, en 1957.
La fin des années 1950 marque un tournant, alors que l’OSM décide d’offrir aux musiciens des contrats annuels plutôt que des engagements par concert. De plus, parallèlement à la programmation en vigueur, on ajoute quatre concerts à un dollar chacun au Forum de Montréal (remplacé aujourd’hui par le Centre Bell). Cette série qui débute à l’automne 1959, attire un public sans précédent à l’OSM.
Puis, lorsque la santé de Markevitch s’est détériorée en 1960, on a dû trouver des substituts. C’est ainsi que le jeune chef indien, Zubin Mehta, s’est fait remarquer lors d’une représentation de l’OSM, en octobre 1960. Sa direction de la Symphonie fantastique de Berlioz souleva l’enthousiasme général et cette étoile montante devint directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Montréal, dès la saison suivante. C’est l’époque où l’OSM réalise ses premières tournées et devient le premier orchestre canadien à se produire en Europe.
Wilfrid Pelletier: « symbole de la continuité historique de l’Orchestre»
Autre grande page dans l’histoire de l’Orchestre, l’inauguration, en 1963, de la Grande Salle de la Place des Arts (nommée salle Wilfrid-Pelletier, depuis 1966).
La direction du premier concert dans cette salle est partagée entre Zubin Mehta et Wilfrid Pelletier, ce dernier étant considéré, par l’OSM, comme un «symbole de la continuité historique de l’Orchestre».
L’engouement pour cette nouvelle salle amène l’OSM à proposer une série de productions d’opéras. Au fil des saisons, le public pourra assister à des classiques comme Tosca, Carmen, La traviata ou Aïda, avec des stars telles, Joan Sutherland, Leontyne Price, Richard Verreau, Jon Vickers et Shirley Verrett.
Pendant ce temps, la renommée internationale de Mehta l’éloigne progressivement de Montréal, où il tire sa révérence en 1967.
Il est remplacé par l’Allemand Franz-Paul Decker qui amènera l’OSM à se démarquer, entre autres, lors de l’Expo ’70 à Osaka, au Japon.
L’année 1970 est marquée par le départ de «Pierre Béique, directeur général émérite qui a fait de l’OSM l’œuvre de sa vie, et a grandement contribué à façonner son visage actuel», souligne le site de l’Orchestre.
La saison 1975-1976 marque l’arrivée d’un nouveau directeur artistique, Rafael Frühbeck de Burgos qui va diriger l’Orchestre lors de son premier concert au Carnegie Hall, en 1976.
Les années Dutoit
Le bref passage de ce chef espagnol est suivi de l’arrivée du Suisse, Charles Dutoit qui propulsera l’OSM dans l’une des périodes les plus éclatantes de son histoire! Au tournant des années 1980, Dutoit et l’OSM signent un important contrat d’enregistrement avec l’étiquette discographique britannique Decca. Les micros et les ingénieurs de Decca ainsi que l’acoustique de l’église de Saint-Eustache s’avèrent une formule gagnante.
L’album Daphnis et Chloé de Ravel, paru en 1981, remporte de nombreuses distinctions internationales. Par la suite, l’enregistrement du Boléro de Ravel par l’OSM a atteint des ventes de certification platine au Canada, tandis que le coffret de l’opéra Les Troyens de Berlioz a remporté un Grammy.
Homme du monde, Charles Dutoit aura contribué largement au rayonnement international de l’orchestre.
Pour ma part, je me souviens de l’avoir interviewé, entre autres, lors du passage de l’OSM au Carnegie Hall, à l’automne 2000.
Le compositeur Míkis Theodorákis était venu joindre maestro Dutoit à New York pour ce concert. D’ailleurs, quelques années plus tard, l’OSM lançait un album d’oeuvres du musicien grec intitulé Zorbas ballet.
Visiblement emballés par cette rencontre artistique en haut lieu, les deux hommes avaient répondu avec courtoisie aux questions de votre humble serviteur, dépêché dans «la grosse pomme» par CKAC.
La première radio francophone d’Amérique du Nord tenait à avoir un journaliste sur place car il était question qu’on y confirme enfin la construction d’une salle de concert aux qualités acoustiques réclamées par l’OSM depuis de nombreuses années. Effectivement, le premier ministre du Québec alors en poste, Lucien Bouchard, avait fait le voyage à New York et confirmé la nouvelle à CKAC, seul média québécois sur place.
Il a toutefois fallu attendre 2009 pour que le premier ministre Jean Charest lance les travaux de construction de la Maison symphonique qu’on appelait à l’époque, L’Adresse symphonique.
Après une période intérimaire sous le leadership du Québécois Jacques Lacombe, Kent Nagano fait son entrée à la tête de l’OSM. Son règne aura été marqué par l’inauguration, en 2011, de la Maison symphonique, dont l’acoustique répond enfin aux besoins de l’ochestre. Pour le concert inaugural, le chef américain choisit d’interpréter la Neuvième symphonie de Beethoven. D’ailleurs, au fil des ans, Nagano et l’OSM graveront une intégrale des symphonies du grand Ludwig.
Parmi les nombreuses autres réalisations de Kent Nagano, on retiendra la Virée classique qui revient à chaque année, précédée d’un concert, attirant des milliers de personnes, sur l’Esplanade du Parc olympique.
Cette tradition est d’ailleurs perpétuée énergiquement sous la houlette de Rafael Payare, actuel directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Montréal. Officiellement en poste depuis la saison 2022-2023, le chef d’orchestre vénézuélien a déjà gravé avec l’OSM, un premier album consacré à la Symphonie no 5 de Mahler. Ce compositeur autrichien est d’ailleurs au coeur du programme que jouera l’OSM, à la mi-janvier.
Rafael Payare dirige la Symphonie no 7 de Mahler
Orchestre symphonique de Montréal, Rafael Payare, dir.
La violoniste Simone Lamsma interprétera le Concerto pour violon no 1 du compositeur polonais Karol Szymanowski.