Être invité à observer la délicatesse de la beauté ouvragée des instruments musicaux appartenant à Luc Beauséjour, c’est, en six mots, effectuer un enivrant voyage tout intérieur. Le lieu choisi parmi tous ceux qui pouvaient le mieux mimer les 1072 mètres carrés du chaleureux logis d’un prince au Royaume d’Apollon (dieu de l’éclairante poésie et de la sage musique) n’était autre que la Chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours.
La plus ancienne en notre colonie montréalaise d’expression française, cette chapelle bondée à capacité hier soir -mais étalant
cinq clavecins et un clavicorde disposés autour du maître-autel- est toujours cette merveilleuse construction style Renaissance appartenant à la Congrégation Notre Dame, celle de leur fondatrice Marguerite Bourgeoys dont on voit un beau portrait de première institutrice de notre fière nation à la droite de l’entrée principale. Comme la chapelle est sise au quasi raz-du-fleuve, surélevée de vingt mètres au-dessus de l’eau sur un promontoire de pierre de taille de la rue saint Paul, pour ceux qui sont venus comme moi en pause de croisière culturelle, l’espace est inspirant de détente.
Luc Beauséjour présente en hôte distingué le programme avec humour et finesse bien que ne disant que ce qu’il faut de l’œuvre choisie pour mettre en valeur tel ou tel instrument qu’il a soigneusement apporté de chez lui pour nous en faire connaître l’époque de composition et le facteur de ses clavecins, soit Yves Beaupré, fin luthier à l’atelier duquel plus de 160 instruments de musique ancienne ont vu le jour au respect des exigences de l’époque baroque. Mais la chapelle étant de style renaissance (rebâtie en 1771 après l’incendie de 1754), ce fut une variation pour le grand duc de Toscane par Jan Pieterszoon Sweelinck qui
était le hors d’oeuvre. Puis vint une pavane de Louis Couperin sur un autre clavecin, ensuite des pièces extraites du Sixième Ordre du Second Livre de François Couperin (même famille de musiciens) jouées sur clavecin décoré cette fois d’une scène mythologique comme le précédent comportait une décoration de chinoiseries à la face intérieure de son couvercle. Ces peintures sur couvercles sont visibles quand on les ouvre et les pose sur la béquille (tige de soutien du couvercle). Il y a jusqu’à la table d’harmonie sous les cordes à pincement par plumes choisies qui soit finement peinte en fleurs et arabesques jusqu’à la rosace.
Comme nous étions aussi en ce lieu grâce au festival Bach, Maître Beauséjour nous a interprété, sur le tout discret et minuscule instrument appelé clavicorde, une Toccata et sa fugue du fameux compositeur allemand né à Eisenach. De Jean-Sébastien
Bach toujours, des préludes et fugues et préludes de Choral avant une suite anglaise (la troisième des six) en ses 7 danses. Mais je n’oublierai pas ce qui avait précédé cela, soit une ravissante œuvre de Jean-Philippe Rameau, compositeur français adulé
par Bach, une suite en tonalités de mi de loin la plus belle facture musicale d’une trop brève soirée, rassérénante de finesse et de distinction, un vernis de manières polies, quelques coloris sublimes qui doivent en qualités déteindre ou se transmettre à tous ses talentueux élèves présents au récital qui ont l’inestimable chance de pouvoir étudier avec ce maître de musique. Encore un beau voyage…En sourdine, chacun de nous, en cette Chapelle, pouvait rêvasser à la Verlaine à sa guise en se disant : Calmes dans la douceur lumineuse que les arches hautes font, pénétrons bien notre amour musical de ce que les doigts du Prince font! La série de récitals appelés Clavecin en concert avec Luc Beauséjour, voltigera comme ça, toute l’année, et tout partout, surveillez-en les escales!