Première mondiale, ce soir, de l’opéra L’écoute du perdu de Keiko Devaux, interprété avec l’ensemble montréalais Paramirabo et mis en scène par Marie Brassard. J’ai pu assister, hier, à la toute dernière répétition de cette oeuvre présentée ce soir, 3 février, ainsi que demain, samedi, en après-midi et en soirée, en collaboration avec Le Vivier. Compte-rendu d’une intense session de travail en présence de la compositrice et de la metteure en scène. Moment de création en direct!
Je dois d’abord dire que j’ai été emporté par la beauté et la sérénité qui se dégagent des mélodies et des harmonies vocales interprétées par les solistes Sarah Albu («chanteuse expérimentale», selon le site de la SMCQ), Raphaël Laden-Guindon (baryton) et Frédéricka Petit-Homme (soprano). Au lyrisme s’ajoutent des bruits qui s’apparentent parfois au son de vagues qui iraient se briser sur des rochers au loin.
Il n’y a pas d’histoire à proprement parler. L’oeuvre est inspirée d’une réflexion du pionnier de la radio Guglielmo Marconi, voulant que le son ne meurt jamais. L’écoute du perdu explore et étudie notre lien émotionnel au son, la manière de retenir les événements sonores et la musique en mémoire, le déclenchement de ces souvenirs, ainsi que notre façon de transformer, de déformer et de recréer ces souvenirs. Le tout est présenté en cinq mouvements, dont une ouverture et un épilogue.
L’écoute du perdu est décrit, par ses concepteurs, comme un opéra de chambre non narratif, expérimental et bilingue, sur des textes de Kaie Kellough, Daniel Canty et Michaël Trahan. Il m’a semblé difficile de saisir les mots chantés, que ce soit en français ou en anglais. Toutefois, ce que j’ai vu et entendu m’est apparu comme un voyage intérieur où on se laisse bercer par la musique dans un univers intemporel qui m’a fait penser à Officium de Jan Garbarek.
Voyez et écoutez un extrait interprété par Frédéricka Petit-Homme:
Les musiciens de Paramirabo, sont dirigés par Jennifer Szeto de Musique 3 femmes. Lors de cette ultime répétition, la chef d’orchestre se retourne à l’occasion pour scruter le regard de la compositrice et évaluer si l’interprétation correspond à la vision de sa créatrice.
Le responsable de la sonorisation est appelé à calibrer le volume des moniteurs, puisque le spectacle est amplifié et inclut divers bruits. À certains moments, les chanteurs eux-mêmes produisent des bruits en plaçant leurs mains sur leur bouche, un peu à la manière des harmonicistes.
L’impression de se retrouver hors du temps est accentuée par la mise en scène de Marie Brassard où les interprètes se déplacent lentement. Certains marchent parfois en reculant. Madame Brassard nous a d’ailleurs accordé une entrevue sur sa perception de L’écoute du perdu.
Le décor de la Fonderie Darling, ancienne usine de métallurgie dont la construction remonte au XIXe siècle, vient renforcer l’impression de décalage temporel.
L’écoute du perdu
Musique : Keiko Devaux
Mise en scène : Marie Brassard
À la Fonderie Darling (745, rue Ottawa, Montréal)
3 février à 19h 30
4 février à 15h et 19h 30
Au centre de la photo d’accueuil : Raphaël Laden-Guindon (baryton)
Crédit : Stephanie Sedlbauer