Richard Abel a attendu la mort de son père, Claude, pour écrire son autobiographie avec l’aide de Denis-Martin Chabot, Mon histoire en noir et blanc, le clavier de ma vie. On comprend l’attitude du père du pianiste qui a vendu un million de disques durant sa carrière et qui s’est même produit au Centre Bell en 2005. Dépendant de l’alcool et de la drogue, Claude Abel battait sa femme et ses enfants, Richard, alors enfant, et son jeune frère Yvon quand il avait trop bu ou mélangé alcool et marijuana. Richard raconte dans le livre qu’il a « surpris ses parents dans le salon. Sa mère était étendue par terre, son père, assis sur elle, la frappait à grands coups de poing. Elle criait. C’était épouvantable. Moi je protégeais mon petit frère en le cachant derrière moi ».
Voilà qui pourrait résumer une bonne partie de l’enfance de Richard Abel qui s’est pourtant réconcilié avec son père lorsqu’il a cessé de boire et de consommer des drogues. Il a même gagné la loto 6/49 avec lui. Une longue histoire bien décevante pour Richard alors que les $10 millions qu’il pensait partager avec son père, a fondu jusqu’à 714,000 $ lorsqu’on a découvert sept autres billets gagnants qui se partageaient le gros lot. Du jamais vu.
Il est souvent question d’argent dans cette autobiographie parce que Richard Abel a vécu dans la plus grande pauvreté dans son enfance et une bonne partie de sa jeunesse et il a été marqué par les trop petits logements qu’occupait sa famille avec un « petit poêle à deux ronds » pour cuisiner et le bain dans l’eau sale de son petit frère ou celui des enfants d’une famille d’accueil qui l’avait hébergé quand sa mère et son père étaient en continuelle dispute.
Heureusement qu’il avait du talent et de la détermination le jeune Richard et qu’il a fait son chemin dans le monde du show-business. Pianiste de plus en plus apprécié, il a accompagné le transformiste Guilda et la chanteuse Alice Roby en racontant de nombreuses anecdotes sur ces deux grandes stars des cabarets de Montréal.
J’aime le franc-parler de Richard Abel qui raconte ses problèmes avec Alys Robi ainsi qu’avec certains producteurs sans parler de son père évidemment qui a changé complétement de vie et qui a même épousé une autre femme quand la mère de Richard, Jacqueline, l’a effacé de sa vie. Une réussite semble-t-il.
Richard parle également de son orientation sexuelle très clairement. Il fréquentait Joane, une fille parfaite, dit-il, qui souhaitait l’épouser lorsqu’il s’est aperçu qu’il préférait vivre avec un homme. Ce qu’il a fait plus tard avec Stéphane, un homme marié qui avait deux enfants et qui ont habité avec leur père et Richard. Une union heureuse qui a duré plusieurs années.
En somme, un livre qui raconte avec sincérité la véritable vie pas toujours facile d’un artiste souriant sur scène mais souvent tourmenté dans sa vie privée. Il fallait du courage pour repasser par autant de souffrances surtout pendant l’enfance et je crois que c’est le plus grand mérite de cette autobiographie honnête et ouverte. Un livre qui se lit facilement et s’il fallait suggérer une correction, j’aimerais bien qu’on se limite à un narrateur alors qu’on ressent une confusion quand on se demande qui parle, Richard Abel ou son co-auteur Denis-Martin Chabot. Mais rien pour gâter le plaisir de découvrir une vie pleine de rebondissements.
Éditions La Semaine
24,95 $
240 pages
ISBN : 978-2-89703-361-3
Parution : 2016-11-07