Evelyne de la Chenelière entre en scène et dit : «Je m’appelle Guillaume Corbeil». Ce dernier est, en fait, l’auteur du thriller qui va se dérouler devant nous, dans un univers inquiétant rappelant certains films de David Lynch. Fasciné par un fait divers qui s’est produit à Los Angeles, Corbeil part mener sa propre enquête dans «la ville des anges». Tous les personnages de ce roadtrip scénique sont incarnés par de la Chenelière qui changera de sexe à quelques reprises sur sa route tortueuse, où la fiction et la réalité semblent se confondre.
Partir pour apaiser la souffrance ?
Le personnage de Guillaume Corbeil est plongé dans le chagrin de la fin d’une relation amoureuse.
Cherchant peut-être une forme d’apaisement, il s’accroche à Facebook et autres avenues d’Internet.
Il découvre alors une histoire étrange qui lui fait sporadiquement oublier sa peine.
En juillet 2015, Jeffrey Alan Lash, qui prétendait être mi-homme, mi-extraterrestre et travailler pour les services secrets américains, est retrouvé mort dans sa voiture, dans le quartier de Pacific Palisades, à une trentaine de kilomètres du centre-ville de L.A.
Le corps est en état de décomposition avancée.
On apprendra que sa compagne, Catherine Nebron, savait depuis près de deux semaines que l’homme de 60 ans, affaibli par un cancer, avait rendu l’âme; mais pourquoi avoir attendu tout ce temps avant d’alerter la police ?
Cette mort énigmatique amène les enquêteurs à découvrir une imposante quantité d’armes et de munitions, dans la résidence du défunt.
Catherine Nebron était au courant de la présence de cet arsenal, mais elle prétend avoir cru qu’il s’agissait des «outils de travail» de son fiancé.
La magie de l’image et du son
Une fois arrivé à Los Angeles, le «personnage-auteur» rencontre des proches du défunt. Il tente d’arracher des informations aux policiers sur la saga de ce présumé extraterrestre. Evelyne de la Chenelière passe d’un protagoniste à l’autre avec une aisance remarquable dans cette habile mise en scène de Florent Siaud. La comédienne trouve un ton différent pour chaque personnage; elle change parfois de coiffure devant nous. À certains moment, elle déplace elle-même des panneaux sur lesquels apparaissent différentes projections : des itinéraires Google empruntés pour mener son enquête, la résidence de Lash, etc.
La magie de ce spectacle de 75 minutes repose d’ailleurs en bonne partie sur l’harmonieuse combinaison des projections de David B. Ricard, des éclairages de Nicolas Descoteaux et de la musique de Julien Éclancher.
Besoin d’irréel pour supporter la réalité ?
Pacific Palisades n’en demeure pas moins une histoire complexe. Même si on est un peu perdu par moments, on revient toujours à la question : ce voyage suffira-t-il à faire taire le chagrin de Corbeil qui a quitté ses proches sans laisser de traces. Cette fiction l’amènera-t-il à redéfinir son identité ? Trouvera-t-il ce qu’il y a d’essentiel en lui ?
Au bout du compte, Lash et Corbeil nous confrontent à nous-mêmes. Pourquoi avons-nous besoin d’irréel pour vivre nos réalités ?
Pacific Palisades
Texte : Guillaume Corbeil / Mise en scène : Florent Siaud / Interprétation : Evelyne de la Chenelière
Éclairages : Nicolas Descoteaux / Musique originale Julien Éclancher / Vidéo David B. Ricard
Salle Jean-Claude Germain, jusqu’au 5 novembre
Photo d’accueil / crédit : Nicolas Descoteaux