Moi : Depuis combien de temps chantes-tu professionnellement?
Clément : Depuis l’âge de 19 ans. J’en aurai 38 dans quelques mois donc ça va faire 20 ans.
Moi : Dans la rue, ça fait combien d’années?
Clément : Pas loin du même temps. J’ai commencé à 21 ans.
Moi : As-tu toujours chanté ici à Montréal?
Clément : Non, j’ai commencé dans la rue à Paris. Je suis né en Bretagne. Ensuite, je suis parti à Paris. J’ai été interdit bancaire en France ce qui veut dire que tu n’as plus de carte de crédit, plus de carte de débit. T’as plus rien. Faut que tu ailles retirer de l’argent au comptoir. Arrive le week-end, j’ai 21 ans, je suis mal organisé, les banques sont fermées, je n’ai pas d’argent et faut que je mange. Donc, j’ai pris ma guitare et je suis allé jouer dans la rue. Ç’a fonctionné, j’ai fait de l’argent, j’ai adoré ça. Et depuis, j’ai continué au fil des années.
Moi : D’où te vient l’amour de la musique?
Clément : Dans la maison, on écoutait beaucoup de musique. Ma mère jouait du piano. Mon frère aussi jouait du piano et on chantait ensemble dans les partys de famille. J’avais 6-8 ans. Puis après, j’ai commencé à prendre des cours de guitare à l’époque de Nirvana, début des années 90. Bien voilà, j’ai n’ai jamais arrêté.
Moi : C’est comme ça que tu as commencé?
Clément : J’suis partie à Paris à 19 ans pour faire l’école de théâtre. Je jouais dans les bars, les restaurants pour gagner de l’argent.
Moi : Ça fait combien de temps que tu vis ici au Québec?
Clément : 12 ans à Montréal. J’suis déménagé l’année dernière dans les Laurentides où je suis très heureux. J’aime beaucoup être en haut de la montagne et voir les saisons passées.
Moi : Est-ce que tu chantes dans les rues à la campagne?
Clément : Oui, on a développé ça dans les Laurentides. À Saint-Sauveur, Sainte-Agathe et Mont-Tremblant. Je dis on parce qu’on a fait ça avec Daniel Fontaine qui est le père des chansonniers du Québec, un ancien des Deux Pierrots. Il connaissait du monde dans les mairies qu’on est allés voir et on a développé un projet pour aller busker dans ces villes-là.
Moi : Quels sont les avantages à jouer dans la rue?
Clément : Le bonheur de jouer avec le vent sur le visage, cette espèce de légèreté, de liberté difficilement descriptible. L’échange avec les gens qui est instantané, franc, authentique. Ça triche pas. Si les gens aiment, ils arrêtent. S’ils n’aiment pas, ils passent leur chemin et c’est très bien comme ça. J’ai l’impression d’être un guérisseur d’âme. C’est très fort comme expression mais je sais que ça fait beaucoup de bien à beaucoup de gens. Puis, moi aussi ça me fait du bien. C’est une façon de me rendre utile pour la société.
Moi : Quels sont les défis, les côtés moins roses?
Clément : Y a divers personnages, diverses sociétés avec lesquels on doit composer mais dans l’ensemble, c’est assez fluide. C’est certain qu’il m’est arrivé des moments où je n’avais pas beaucoup d’argent et puis t’as besoin d’aller jouer, faut trouver une place où s’installer. Des fois, tu stresses un peu parce qu’il faut payer le loyer mais depuis quelques années, ça va mieux. En fait, y pas de défi réel. Ça convient sûrement pas à tout le monde.
Moi : Pourquoi?
Clément : Ça prend de l’humilité parce que les gens ne t’écouteront pas nécessairement. Mais j’y vois que des avantages et du positif à jouer dans la rue. Si je veux arrêter dans le milieu d’une chanson, j’arrête dans le milieu de la chanson. Je fais ce que je veux. Je ne dois rien à personne. J’ai pas de contrat à remplir. C’est avec moi-même que ça se passe et ça c’est bien plaisant.
Moi : Est-ce que tu joues plusieurs instruments?
Clément : Guitare et chant.
Moi : Quel est ton répertoire?
Clément : J’aime les chansons avec des textes. Les chansons qui racontent quelque chose. Je ne fais rien de moderne. Je fais les années 50 à fin 90. J’aime les grands classiques comme Félix, Ferland, Desjardins, Harmonium. Dans la chanson française : Aznavour, Brel, Brassens, Ferré, Ferrat, Dassin.
Moi : L’hiver, tu fais quoi?
Clément : La même chose mais dans les bars, les restaurants, les petites salles de spectacle. Je joue toute l’année. J’ai pas d’autre métier.
Moi : Quels sont tes projets?
Clément : J’ai un band qui s’appelle Marjordome. On fait la St-Jean, le 24 juin, sur la Promenade Fleury. On sort notre deuxième album au printemps 2020. Présentement, j’écris avec un auteur pour vraiment peaufiner les textes. C’est très stimulant.
Moi : Et cet été?
Clément : Mon été est bien rempli. Je pars le 30 juillet aux Îles-de-la-Madeleine. Je joue quelques spectacles là-bas et le 5 août, je fais la traversée des Îles à St-Pierre et Miquelon. Quarante-huit heures de voile. Je vais présenter quatre spectacles à St-Pierre et Miquelon. Il y a une subvention qui s’appelle le Rallye des cousins où ils échangent les Madelinots et les Saint-Pierrais. Je vais aller jouer pour animer ce rallye durant 15 jours. Je crois que ça va être hyperfestif .
Moi : Est-ce que tu penses jouer encore longtemps dans les rues?
Clément : Tant que j’aurai la flamme. Si un jour j’y vais comme si j’allais à l’usine, punch in-punch out, je changerais de métier. Mais j’adore faire ça.
Moi : Pour toi, jouer dans la rue c’est … ?
Clément : La liberté.
Photo: Robert Rudman