Pour son premier roman, Rendez-vous à Tourville, chez VLB éditeur, Pierre Rancourt s’est inspiré de son village natal et de sa famille, sans toutefois que ce soit une autobiographie. C’est ce qu’il indique en note de début du livre. Aussi, dans ses remerciements, on apprend qu’il lui a fallu plusieurs dizaines de réécritures pour en arriver à ce petit bijou de roman, rempli de la naïveté d’un enfant, ainsi que de moments tendres et touchants.
Résumé : Tourville, années 1950. Les locomotives ne sont pas encore passées au diesel et le CN est le principal employeur de ce village de la région des Appalaches, dépôt de charbon et de bois d’oeuvre. Depuis toujours, l’Église règne sans partage sur les âmes comme sur la politique : rien ne doit mourir et rien ne doit changer… Mais voilà que la télévision entre dans les foyers et, avec elle, une constellation de nouvelles vedettes dont la plus lumineuse, aux yeux du jeune Daniel Boisvert, est sans conteste Janette Bertrand. Le petit garçon ira jusqu’à confier à son idole la tragédie qui a bouleversé sa famille.
J’adore découvrir de nouveaux auteurs. Ma rencontre avec la plume de Pierre Rancourt fut mon premier coup de cœur de 2020. Tout me plait dans ce roman, particulièrement la fine plume aiguisée de l’auteur. J’aime bien marquer les pages dont le texte m’interpelle pour y revenir les relire plus tard. Avec ce roman, j’ai facilement marqué une cinquantaine de pages. Voici quelques exemples de ces petits bouts de narration qui me plaisent beaucoup et ces jeux de mots dont je me délecte.
« Déjà que Tourville ne s’appelait pas Saint-Tourville. Cela donnait le ton alors que la multitude de ses voisines s’étaient vouées à tous les saints du ciel pour se faire un nom. Saint-Damase, Saint-Aubert, Sainte-Perpétue, Saint-Pamphile, Sainte-Félicité, Saint-Adalbert nous priaient dessus de tous côtés… Tourville était le grain qui s’était échappé du chapelet. »
«Un général anglais s’était battu avec un général français sur les plaines d’Abraham à Québec. Selon ce que je pouvais me rappeler, cela avait tellement bardé que le général anglais, parce qu’il avait gagné, avait voulu tous nous arracher la langue. J’en connais maintenant assez sur l’anglais pour savoir qu’il s’agissait d’une langue qui n’avait rien de maternel. »
Je me délecte de la narration de ce jeune enfant de neuf ans qui nous dépeint, avec ses yeux, sa compréhension et son langage, son village dans les années 50, ainsi que les événements qui ont marqué cette époque, tant au niveau culturel que social. « Il y aurait une représentation spéciale d’un film. Celui-ci s’intitulait : La Petite Aurore, l’enfant Martyre. Pauvre, mais pauvre Aurore! Le train ne lui était pas passé sous le nez, à Aurore, il lui était passé dessus! »
C’est avec humour et ironie qu’il interprète à sa façon les événements, au point de nous faire sourire de sa naïveté et son regard d’enfant. « Les trains du Ciennar y faisaient halte pour se ravitailler en charbon… Le Ciennar ne jurait que par Tourville… Comme je devais l’apprendre bien plus tard, Ciennar n’était pas un mot, mais des lettres qu’on devait prononcer en anglais : CNR, pour Canadian National Railway. Ça fessait plus fort en anglais. Et quand on les écrivait, il fallait employer des majuscules pour montrer à quel point on avait affaire à des gens importants. »
Plus on avance dans le roman, et plus on apprend pourquoi cette famille est si torturée et que chacun se réfugie dans ce qui les passionne, pour tenter d’oublier l’inoubliable. « Je lis beaucoup parce que quand je lis je n’ai pas besoin de penser à tout ça. C’est la même chose avec la télévision… Mon père pense seulement à son chant et ma mère pense seulement à son ménage, aux repas… Catherine s’est garrochée sur le piano. »
Au final, ce roman à la fois tendre et touchant n’a qu’un seul défaut, celui de se lire trop rapidement. Bien que j’aie pris mon temps pour apprécier chaque phrase bien tournée, j’en suis arrivée à la fin en un rien de temps. J’espère juste maintenant que son auteur voudra bien nous en raconter une suite un jour, ou du moins continuer sur sa lancée d’écrire des petits bijoux de roman.
Pierre Rancourt est né à Tourville en 1945 Il a pratiqué le droit pendant quelques années à Lévis, puis s’est réorienté vers la profession de psychologue, qu’il a exercé jusqu’à sa retraite, en 2014. Rendez-vous à Tourville est son premier roman.
Prix : 24,95 $
Nombre de pages : 248 pages
Date de Parution : 2020-03-02
Édition : Vlb Éditeur