Dès notre arrivée dans la salle de spectacles de l’Espace Go, Debbie Lynch-White est recroquevillée sur scène. Son personnage semble en état de crise! Les 75 minutes qui vont suivre nous entraîneront dans les méandres du choc post-traumatique d’une infirmière montréalaise, de retour d’une mission humanitaire en Afrique, où elle a été témoin d’horreurs qui la hantent. Cette pièce du Torontois Christopher Morris, inspirée par le parcours d’une Québécoise au sein de Médecins sans frontières, donne lieu à une performance très physique où l’actrice exprime colère et tristesse, avec spasmes et tremblements. Compte-rendu d’un solo sombre où l’on a l’impression de tourner en rond.
Désenchantée et amère, Marie est installée sur une scène ronde qui tourne dans le sens des aiguilles d’une montre, sans arrêt, durant tout le spectacle. La protagoniste s’exprime en marchant à contre-sens sur cette surface qui semble symboliser l’éternel recommencement de la misère humaine.
La protagoniste est d’abord en furie contre elle-même car, cette mission à l’étranger lui a coûté très cher! Son amoureuse l’a quittée, refusant de l’attendre durant de longs mois d’absence. Qu’est-ce qui a bien pu pousser Marie à s’infliger pareille blessure? L’idéalisme ? La vanité de se dire travailleuse humanitaire ? Sa compassion envers les peuples sacrifiés?
Après une première mission difficile en République centrafricaine, on lui a confié un second mandat, en vue du sauvetage de migrants sur un bateau en Méditerranée. Marie a été transformée par sa proximité avec la souffrance de personnes vivant dans des régions pauvres du globe. Elle nous raconte d’ailleurs des scènes à glacer le sang!
Tourner en rond
Même si pareil récit ne saurait nous laisser indifférent, il n’en devient pas moins une sorte de longue plainte. Le caractère répétitif de ce spectacle est accentué par la mise en scène d’Édith Patenaude. La scène tournante devient lassante! Plus encore, la comédienne parle parfois alors qu’elle est couchée et qu’elle pose une main sur son visage, de sorte qu’on perd plusieurs de ses mots.
Très investie dans son rôle, Debbie Lynch White demeure, néanmoins, convaincante en femme tourmentée et nostalgique. L’infirmière tente frénétiquement de joindre au téléphone un médecin allemand avec lequel elle s’est liée d’amitié durant son périple. Pas de réponse! On la sent s’accrocher, comme à une bouée, à la voix enregistrée de son ami. Mais, fallait-il aller jusqu’à repasser une dizaine de fois le message d’accueil de la boîte vocale du médecin en question?
À ce solo sombre et tendu, l’auteur tente de greffer quelques passages humoristiques qui ratent la cible. Dans ce registre douteux, l’infirmière nous raconte même en détails la fellation qu’elle a fait à l’un de ses cousins, à St-Hyacinthe, lors de la réception qui a suivi les funérailles de la mère du jeune homme! Décousu ?
À travers un déferlement de rage, de culpabilité et quelques moments de tendresse, Tremblements a le mérite de nous faire réfléchir aux multiples facettes de l’engagement humanitaire. Quelles sont les motivations de ceux et celles qui choisissent cette voie ? Est-ce vraiment possible d’aider ? Arrive-t-on toujours en retard ?
Bien sûr, on ne s’attend pas à des réponses complètes à des questions aussi complexes. Par contre, il est plutôt décevant de constater qu’on les ressasse durant plus d’une heure de «tremblements», pratiquement sans lueur d’espoir.
Dans le programme de la soirée, l’auteur, Christopher Morris remercie Médecins sans frontières de lui avoir permis de joindre «sur le terrain», l’infirmière Liza Courtois qu’il a suivie «avant, pendant et après sa première mission». C’est là une démarche très appréciable dont le résultat m’a toutefois laissé sur ma faim.
Tremblements
Texte: Christopher Morris / Traduction : Maxime Allen
Interprétation : Debbie Lynch-White
Mise en scène : Édith Patenaude
À l’Espace Go, jusqu’au 2 décembre