Pas de doute, les Montréalais sont prêts à braver la tempête pour retrouver Yannick Nézet-Séguin. Des centaines de mélomanes se sont rendus à la Maison symphonique, ce vendredi après-midi, pour assister à une classe de maître du célèbre chef. En soirée, malgré des rues très enneigées, une assistance nombreuse est venue communier, entre autres, à la musique de Mozart. Ce ne sont là que quelques unes des activités au programme de ce 7 février 2020, pour l’infatigable artiste. Une journée avec Yannick Nézet-Séguin. Reportage.
Midi 30
Pour le Montréalais qui est, entre autres, directeur musical du Metropolitan Opera de New York, ainsi que de l’Orchestre de Philadelphie et chef honoraire de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam, il était impératif de trouver le temps de venir dire merci aux artisans du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec. C’est de cette institution qu’est issu Yannick Nézet-Séguin et environ la moitié des musiciens de l’Orchestre métropolitain. Habitué aux horaires surchargés, le globe-trotter qui avait présenté la veille un concert avec l’OM à Ottawa, s’amène néanmoins tout sourire, en début d’après-midi au Foyer, niveau Corbeille de la Maison symphonique.
«Ça me rend fier d’être ici !»
Après avoir salué chaleureusement, un à un, ses collègues du domaine musical, dont le chanteur Marc Hervieux et le chef d’orchestre Jacques Lacombe et les nombreux comédiens présents, tous passés par le Conservatoire, Yannick leur a dit que leur excellence l’inspire : «Ca me rend fier d’être ici !»
13h 45
Avant d’aller donner sa classe de maître aux membres de l’Orchestre symphonique du Conservatoire de musique de Montréal, la star rencontre quelques journalistes.
«Se donner corps et âme»
En entrevue aux ArtsZe, il dira : «je ne me vois pas comme un maître; je me considère plutôt comme un musicien qui apporte son ingrédient. Au-delà des notions techniques, je veux surtout rappeler à ces étudiants que dans un orchestre, il faut se donner corps et âme. C’est ça que les gens dans la salle vont recevoir… Le but, c’est de devenir meilleur, ce qui veut dire rendre justice aux oeuvres des compositeurs et ça c’est le travail d’une vie !»
14h 10
Aussitôt arrivé sur la scène de la Maison symphonique, ce communicateur-né, commence par dérider la salle, surpris de voir le parterre et la corbeille presque remplis, malgré la tempête. «Votre bravoure m’impressionne ! Vous auriez pu rester chef vous», blague-t-il, «mais c’est la preuve que la musique, c’est plus fort que tout! » Il a choisi le poème symphonique Don Juan de Richard Strauss, car c’est une oeuvre qui représente des défis pour chaque section de l’orchestre.
«Ça peut-être encore plus beau !»
Yannick Nézet-Séguin dirige l’Orchestre symphonique du Conservatoire de musique de Montréal
Crédit photo : Patrick Séguin
Après avoir joué l’oeuvre une première fois, le travail commence véritablement : «C’est beau, mais ça peut-être encore plus beau !» On assiste, alors, à une véritable leçon de communication. Nézet-Séguin arrivera à dire avec humour aux étudiants tout ce qu’il reste à améliorer et cela sans humilier qui que ce soit. Il fait valoir que pout tel passage, l’une des clés est que le basson soit un peu plus fort. Plus tard, il félicite l’orchestre pour la beauté du son, mais il souligne qu’à ce moment de l’histoire d’amour de Don Juan, on doit, plutôt, «sentir que ça fait mal.» Il chante pour qu’on comprenne l’effet sonore recherché.
Il tient ainsi en haleine l’orchestre et le public durant près de deux heures, avec cette oeuvre de 15 minutes. Il termine en vantant ces étudiants visiblement très déterminés : «si c’est ça qui s’en vient dans nos orchestres, la musique va être encore meilleure !» De part et d’autre, on a oublié la tempête hivernale. On applaudit Yannick autant sur la scène que dans la salle.
19H 30
Quelques heures plus tard, au moment de présenter le concert Mozart grandeur nature avec le Choeur et l’Orchestre métropolitain, nous aurons droit à quelques révélations.
La gouverneure générale Julie Payette choriste
Nézet-Séguin nous informe d’entrée de jeu qu’une choriste particulière prend part au concert. La gouverneure générale Julie Payette s’est jointe au choeur pour le concert à Ottawa jeudi et elle a fait le voyage, vendredi, pour chanter à la Maison symphonique. (Sur notre photo ci-dessous, on peut voir madame Payette à la troisième rangée du Choeur, Elle est la quatrième, en partant de la droite.)
Mozart grandeur nature
La première oeuvre de la soirée est la Symphonie no 5 du Québécois Jacques Hétu. On sait qu’elle raconte en musique l’envahissement et l’occupation de Paris durant la Seconde Guerre mondiale. Nézet-Séguin nous a toutefois appris que cette partition fait aussi écho à la maladie envahissante du compositeur, dont c’est la toute dernière pièce.
Quelle puissance, notamment, dans le deuxième mouvement L’invasion où se bousculent les différentes sections de l’orchestre. Suit, L’Occupation, une sorte de marche funèbre, puis Liberté, sur un poème de Paul Éluard qui fut largué en milliers de tracts sur la France occupée en 1942. La prononciation du choeur nous a permis de bien saisir ce texte intemporel : «Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté».
Après l’entracte, ce fut la splendide Grande Messe en do mineur de Mozart. Là encore, le choeur aura été remarquable. Du côté des solistes, un sans faute pour Carolyn Sampson (soprano) et Julie Boulianne (mezzo-soprano), alors que le ténor, Jonas Hacker et le baryton-basse Philippe Sly sont beaucoup moins sollicités.
On quitte la salle avec le goût de réécouter Mozart et aussi Jacques Hétu. Rappelons que la symphonie chorale de ce dernier, une commande de l’Orchestre symphonique de Toronto, créée en mars 2010, moins d’un mois après la mort du compositeur, est disponible sur disque.
Jacques Hétu symphonique. Légendes op. 76, Variations sur un thème de Mozart op. 79, Symphonie no 5, op. 81. Disques SRC
Mozart grandeur nature
Jacques Hétu : Symphonie n° 5
Mozart : Grande Messe en do mineur, K. 427
Carolyn Sampson (soprano), Julie Boulianne (mezzo), Jonas Hacker (ténor), Philippe Sly (baryton-basse), Choeur et Orchestre Métropolitain, Yannick Nézet-Séguin.
Maison symphonique de Montréal, vendredi, 7 février 2020