Le chorégraphe burkinabè Serge Aimé Coulibaly fait escale à Montréal avec six danseurs pour présenter son spectacle rageur «Kalakuta Republik», évoquant le lieu où s’était isolé le musicien nigérian Fela Kuti, après avoir été arrêté et emprisonné. Un canapé au fond de la scène, puis quelques chaises semblent évoquer la résidence-refuge de l’inventeur de l’afrobeat qui était aussi très engagé contre la corruption, la dictature et le pouvoir des multinationales dans son pays.
Les corps des danseurs sont d’abord traversés de gestes saccadés, puis, se tordent sur le sol. En fait, la première partie du spectacle, est une chorégraphie non-interrompue d’une cinquantaine de minutes. Coulibaly joue, en quelque sorte, les chefs d’orchestre, indiquant le tempo aux danseurs sur des rythmes jazz, funk, etc. On peut aussi percevoir Coulibaly comme le double de Fela, puisque le chorégraphe voit en ce musicien contestataire un prétexte pour questionner le rôle de l’artiste dans la société. Rappelons également que l’élément déclencheur de «Kalakuta Republik» a été le soulèvement populaire au Burkina Faso en 2014, lorsque Blaise Compaoré a annoncé son intention de briguer un cinquième mandat, après 27 ans au pouvoir.
La deuxième partie évoque vraisemblablement une sorte de décadence dans une ambiance de boîte de nuit. «Nous avons peur, peur de nous battre pour la justice, pour la liberté…», lance le chorégraphe que l’on sait fasciné depuis longtemps par le caractère irréductible et sans concession de Fela. À l’arrière scène, deux écrans, où apparaissent tantôt des silhouettes de danseurs ou des phrases, telles : «Without the stories, we would go mad» et «You always need a poet».
Finalement les danseuses, portées sur les épaules des danseurs, traversent la salle en couvrant de leurs mains, leurs yeux, leurs oreilles ou leur bouche, évoquant ceux et celles qui choisissent de se taire et refusent de voir et d’écouter.
Kalakuta Republik
Concept et chorégraphie : Serge Aimé Coulibaly
Avec : Marion Alzieu, Serge Aimé Coulibaly, Ida Faho, Antonia Naouele, Adonis Nebié, Sayouba Sigué et Ahmed Soura. Présentée dans le cadre du FTA, jusqu’au 25 mai au Monument-National.
Monument-National – Salle Ludger-Duvernay, jusqu’au 25 mai