Le dramaturge et comédien d’origine iranienne Mani Soleymanlou présente, cet automne, son dixième spectacle intitulé : Zéro. Le programme précise qu’«en farsi et en arabe, zéro c’est « sefr » : le vide. » L’auteur qui inclut la plupart du temps un chiffre dans le titre de ses spectacles, s’est fait connaître en 2012 avec Un, suivi de Deux, puis Trois, en 2014.
Votre humble serviteur est de ceux qui ont applaudi cette trilogie sur la quête identitaire. L’homme de théâtre s’y questionnait avec humour sur la place des immigrants dans notre société. À cette époque où LCN diffusait «Franchement Martineau», Mani se demandait, entre autres, pourquoi il n’y aurait pas une émission intitulée «Franchement Soleymanlou». Mais ce qui apparaissait alors comme de l’espièglerie sympathique a fait place à un ton accusateur.
Après nous avoir raconté un épisode malheureux où son père fut confronté aux gardiens de la révolution, Soleymanlou évoque le complexe portrait politique de l’Iran, puis il dresse la longue liste de ceux qu’il considère comme des racistes québécois. Rappelant la sortie de Jacques Parizeau sur le vote ethnique, il passe à Pierre Karl Péladeau et Québecor, laissant entendre que le Journal de Montréal serait en partie responsable du racisme au Québec ! Voilà qui me semble méprisant pour les journalistes concernés, ainsi que pour leurs lecteurs.
Décriant, entre autres, Richard Martineau, Soleymanlou va jusqu’à imaginer un conte impliquant les enfants de ce chroniqueur. Dans cette histoire «le petit Martineau» et «la petite Durocher» sèment leurs propos haineux à l’école, ce dont le directeur Legault se lave les mains, en disant qu’on est tous un peu raciste. Critiquer des chroniqueurs est une chose, mais éclabousser leur enfants au passage me semble indéfendable ! Ironiquement, dans le programme de la soirée, l’artiste dit chercher «ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous divise». C’est raté !
En plus du procès du PQ, Soleymanlou fait aussi celui de la CAQ, déclarant, entre autres, que la loi sur la laïcité et l’ensemble des politiques du gouvernement Legault sur l’immigration : «c’est d’la marde !» Et dire qu’on incite les jeunes à aller au théâtre, notamment, pour apprendre à nuancer leur vision du monde !
Père d’un jeune garçon, il dit qu’il aurait préféré qu’il porte le nom de sa mère, Cadieux, mais qu’«il est trop tard». Selon lui, le pauvre enfant devra répéter et épeler son nom toute sa vie, car Soleymanlou ne sonnera jamais québécois. Il raconte d’ailleurs que sa conjointe a vécu la pénible expérience d’avoir à épeler le nom de son fils dans un CLSC. Voilà une façon fort négative de voir les choses. Premièrement, ne devrait-on pas se réjouir d’avoir tous accès à des soins de santé gratuitement ? D’autre part, je suis né ici et il est très fréquent qu’on me fasse répéter mon nom et mon prénom. Il n’est pas rare qu’on me demande si Coulombe s’écrit avec un «n». Faut-il s’impatienter devant ces questionnements souvent soulevés par des Québécois nés ailleurs ?
Soleymanlou grimpera sur l’amas de chaises qui lui sert de décor et s’écriera: «je ne sais plus comment redescendre». Est-ce là une façon d’exprimer son embarras face à ses propres propos ? Un téléphone cellulaire sonne longuement avant que l’artiste ne réalise que c’est le sien, dans un sac sous une chaise ! Si c’est vraiment un oubli de sa part, c’est regrettable ! Si c’est voulu, ce n’est pas drôle et ça n’a d’ailleurs fait rire personne. Il se demande aussi, s’il n’est pas en train de refaire ses spectacles des débuts. Si tel est le cas, peut-être aurait-il mieux valu s’en tenir aux textes originaux. C’est justement ce qu’il reproche à son collègue Olivier Kemeid d’avoir fait en reprenant, cet automne, L’Énéide, une pièce sur l’émigration, créée en 2007. Bref, bien peu de gens trouvent grâce aux yeux de Soleymanlou dont le spectacle Zéro s’apparente à un règlement de comptes. Dommage !
Zéro
Texte, mise en scène et interprétation : Mani Soleymanlou
La Chapelle
Jusqu’au 23 novembre
À noter que ces représentations de Zéro se concluront par une soirée intitulée Dix, où une dizaine de personnalités prendront la parole au Fairmount, le 23 novembre à 19h 30. De quoi parleront-ils ? On nous dit qu’on ne le sait pas encore. Votre billet pour Zéro vous donne accès à cette soirée, «dans la limite des places disponibles».