Exactement un quart de siècle suivant le consternant ou démissionnaire constat de la disparition irrésolue, à Terrebonne, de la jeune adolescente Julie Surprenant, la pièce présentée à la Grande Licorne par le Théâtre de la Manufacture jusqu’au 16 novembre prochain met surtout en évidence les phases d’un deuil collectif. Dans une sobre mise en scène, la pièce Julie étoffe les cris et pleurs d’une jeunesse impuissante, blessée, écorchée vive, affichant sa révolte par d’authentiques témoignages reconstitués.
Une douleur enclenchée
Les sept comédiens font percevoir, au début du processus que, peut-être, ce n’est qu’une absence, un vide subit, un fugace mauvais moment. Un choc à passer avant le retour putatif… Puis ça devient un mystère tragiquement irrésolu. Cette énigmatique absence est dès lors interprétée de cent manières par les écoliers: ils pensent tout haut, ils essaient d’avancer nuit et jour mais se retrouvent bloqués. L’auditoire embarque car ça reste encore un traumatisme qui a aussi jeté le Québec entier en émoi.
Le choc, l’enquête policière
C’est Sarianne Cormier qui a créé les dialogues entre ces sept jouvenceaux lumineux. C’est vraiment un recueil commémoratif. Sarianne était une amie proche de Julie Surprenant. La pièce est à son plus fort avec les interrogatoires grossiers des forces policières et les interventions bien impuissantes des conseillers scolaires et pédagogiques. Toute l’école demeurera bouleversée, l’impuissance ravagera le cœur de chacun mais ce n’est pas encore la désespérance.
Un battement explosif, un air fredonné
Une des scènes-choc de l’amorce de cette réflexion ou de cet hommage à une amitié perdue offre la percussion assourdissante du copain de Julie: désormais esseulé, il figure en batteur révolté qui se déchaîne jusqu’à ensanglanter ses mains. Il n’est pas très disert, autrement. Nous suivons patiemment les sept jeunes dans leur authentique quête individuelle et collective de réponses avec les auto-culpabilisations évidentes de ceux et celles qui, ce soir-là, furent les derniers à l’avoir apparemment aperçue. Éventuellement, la musique d’une voix, plutôt d’une chanson du groupe La Chicane évoquant cette disparition: l’air et les paroles sont un miroir consacrant en refrain cette évocation collective.
Un théâtre vigoureux ou purgatif
La jeunesse et la vigueur des comédiens est constante tout au fil de cette commémoration. Bien entendu, tout glisse avec un glacis d’humour et de moments cocasses permettant l’absorption ou le passage de ces rappels émouvants. Le dénouement n’a évidemment aucune issue portant vers le rêve puisque c’est encore un cauchemar traumatique. Les comédiens et actrices agissent durant la pièce comme s’ils resteraient bouleversés à jamais quoique la pièce s’achève avec le bal des finissant(e)s de leur école secondaire, cette même année scolaire-là, une fête qui perdit de son lustre par cette évanescence qui figurera encore comme une insoluble et plus que dévastatrice disparition.
Présentée et produite par la Manufacture, l’œuvre se transportera au théâtre Alphonse-Desjardins de Repentigny du 27 au 30 novembre prochain.