L’intelligence artificielle est au coeur de nos vies et continue de gagner du terrain. À travers nos ordinateurs, nos téléphones intelligents, etc., l’artificialité s’entrelace à nos corps et à nos esprits. Peut-on négocier avec ces forces artificielles qui semblent dicter notre conduite ? Avec 6.58 MANIFESTO, l’artiste multidisciplinaire Andrea Peña confronte neuf danseurs aux dictats des algorithmes, au vu et au su des spectateurs.
Originaire de Bogota en Colombie, Andrea Peña, aborde la création chorégraphique avec un regard teinté par sa formation en design industriel. «Prenons d’abord conscience que nos vies sont ancrées dans la technologie. Ça peut être amusant!» C’est ainsi qu’au premier tableau du spectacle, les danseurs reçoivent clairement les ordres vocaux d’un ordinateur, dans les haut-parleurs placés devant le public.
«On pourrait entendre, par exemple, danseurs 5, 9 et 6 chorégraphie «A». Chacun sait alors où il doit se placer, un peu comme dans nos vies de tous les jours. Je dois ajouter que tous les danseurs sont sur un pied d’alerte, car les codes changent à chaque représentation. Notre but n’est pas de dire aux gens si l’artificialité est bonne ou mauvaise, mais plutôt de montrer qu’elle teinte nos interactions, nos expériences collectives et individuelles. On commence ainsi à entrevoir l’humain du futur.»
Danse et spiritualité
Au deuxième tableau, madame Peña plonge ses danseurs dans l’expérience des raves. «Il y a quand même une symbolique forte à voir des gens se rassembler et danser parfois jusqu’à 6h du matin pour aller chercher une transe, un état d’exaltation. Cette forme de recherche spirituelle se fait d’ailleurs au son de musiques électroniques créées artificiellement par ordinateur.»
Artificialité et artifice
S’il est vrai que l’artificialité occupe sans cesse de nouveaux territoires dans nos vies, l’artifice, lui, s’est installé chez les humains il y a fort longtemps. Larousse le définit comme un «moyen habile visant à… tromper sur la réalité… Les artifices d’une mise en scène, du cinéma.» Au troisième tableau, l’artifice est représenté par une chanteuse d’opéra. «Bien sûr, elle a transformé sa voix avec beaucoup de technique et elle interprète une valse classique qu’on va déconstruire pour mettre en lumière le côté grotesque mais aussi la beauté de cet art.»
L’art de la négociation
Même si elle qualifie son spectacle de «manifeste critique», Peña croit qu’il est encore possible de négocier avec le pouvoir artificiel. «Je ne suis pas obligée d’avoir toujours les yeux rivés sur mon téléphone, par exemple, pour répondre à des textos ou courriels. Je peux choisir ma façon d’interagir avec l’artificialité et c’est un peu ce que montrent les danseurs en négociant leurs rapports aux codes avec leurs forces et leur fragilité.»
Quant au chiffre «6.58», il est lié à une anecdote. «Au début du processus de répétition, nous avons travaillé avec un exercice théâtral appelé Neutral Masks, où les danseurs portent ces masques blancs en plastique pour explorer la neutralité du corps. C’était la première fois que nous nous plongions dans ces explorations et les danseurs étaient très enthousiastes. L’un des danseurs a remarqué le prix du masque, qui était de 6,58 $, et nous avons tous ri. J’ai fait une blague en disant que je donnerais un jour à la pièce le nom de ce chiffre. Et donc, en l’honneur de mon équipe, et en l’honneur de ce moment personnel, nous avons gardé le 6.58 pour 6.58 : MANIFESTO.»
Le spectacle a aussi été filmé dans dans un hangar d’avions et sera disponible en webdiffusion, à compter du 24 septembre.
Chorégraphie Andrea Peña en collaboration avec les artistes
Interprètes Nicholas Bellefleur, Veronique Giasson, Gabby Kachan, Jean-Benoit Labrecque, Benjamin Landsberg, Jontae McCrory, Erin O’loughlin, Francois Richard, Laura Toma
Soprano Erin Lindsay
Concepteur sonore Marc Bartissol alias dull
Scénographie Andrea Peña & Alexis Gosselin
Dramaturgie Mathieu Leroux
Concepteur lumières et Direction technique Hugo Dalphond
Costumes Polina Boltova, Rodolfo Moraga