Véritable événement de la rentrée culturelle montréalaise dans le domaine de la danse : Le Sacre du printemps de la célèbre chorégraphe Pina Bausch est interprété pour la première fois par des interprètes de plus d’une dizaine de pays d’Afrique. Au son de l’immortelle musique de Stravinsky, une trentaine de danseurs prennent d’assaut une scène recouverte d’un tapis qui s’apparente à la couleur de la terre, comme si cette chorégraphie était aussi un appel au respect de notre environnement. Saisissant !
Pour la première fois de son histoire, la Fondation Pina Bausch confie l’une des pièces de la regrettée chorégraphe allemande à une autre compagnie. Une équipe du Tanztheater Wuppertal, compagnie de danse créée par madame Bausch, s’est rendue à l’École des Sables, au Sénégal, pour transmettre à des interprètes de quatorze pays d’Afrique, l’essence du Sacre chorégraphié par Pina Bausch en 1975.
C’est la première visite en Amérique du Nord des interprètes de l’École des Sables, dédiée à la formation professionnelle des danseur·se·s de toute l’Afrique aux danses africaines traditionnelles et contemporaines.
Fougueux, les interprètes donnent un nouveau souffle à ce spectacle mettant en scène un rite païen où l’on sacrifie une jeune fille. On a choisi l’enregistrement du Sacre du printemps où Pierre Boulez dirige The Cleveland Orchestra (1969), considéré comme une version de référence. L’orchestre rugit ! Dans leur lutte sauvage et poétique, les danseurs nous tiennent en haleine jusqu’au sacrifice de l’Élue. Il n’y a pas de temps mort !
Chercher des bases communes
La soirée s’ouvre avec un duo qui reflète une rencontre entre deux grandes dames de la danse. Germaine Acogny, cofondatrice de l’École des Sables et Malou Airaudo, icône de la première heure du Tanztheater Wuppertal interprètent Common ground[s].
Leurs silhouettes se détachent sur un fond rouge. Acogny, pionnière de la danse contemporaine en Afrique et Airaudo, la Marseillaise qui figure parmi les apôtres de Pina Bausch, semblent chercher des bases communes. Chacune tient un batôn en bois… le bâton du pèlerin ?
«Les morts ne sont pas morts» lance Acogny, comme si Common ground[s] venait nous rappeler que certains mouvements sont inscrits dans la mémoire du corps. De son côté, Airauro fait resurgir des souvenirs de Pina parfois simplement en faisant onduler ses bras.
L’Africaine s’amuse à chantonner le tube de l’Américaine Doris Day, Que sera, sera. Les deux artistes affichent une complicité évidente, mais cette pièce est longuette. De plus, elle est suivie d’un entracte d’une demi-heure pour la préparation de la scène pour Le Sacre du printemps.
Malgré ces quelques réserves, le spectacle d’ouverture de la 25e saison de Danse Danse me semble incontournable. C’est en quelque sorte la tradition européenne de Pina Bausch qui gagne un continent grâce à l’École des Sables du Sénégal. Il en résulte un un «Sacre» universel et bien de notre époque.
Le Sacre du printemps de Pina Bausch
Avec une trentaine de danseurs africains de l’École des sables
En première partie, Common ground[s] : Germaine Acogny, Malou Airaudo
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
Les 5, 6, 7 et 8 octobre 2022
Crédit photo : Maarten Vanden Abeele