Un spectacle de danse hors du commun, à Montréal : le chorégraphe français-marocain-canadien Ismaël Mouaraki réunit dix danseurs du Maroc et du Québec pour explorer la sensualité du corps masculin. Cette création s’inspire des cérémonies de lila, célébrations mystiques et musicales traditionnelles de son Maroc d’origine. L’artiste a d’abord amené six danseurs québécois à Casablanca, pour qu’ils découvrent comment la fraternité s’exprime entre autres par le toucher, dans le monde arabe, ce qui est moins fréquent au Québec et dans l’ensemble de l’Occident. Toute son équipe est maintenant sur le point de présenter Le sacre de Lila, à l’Agora de la danse. De quoi s’agit-il ?
Au-delà des préjugés
Ismaël Mouaraki est né en France et il a passé une partie de son enfance au Maghreb. Il est arrivé au Canada en 1997. Avec ces «trois territoires, ancrés et imprégnés» dans son corps, l’artiste est animé par le besoin d’exprimer, dans ses chorégraphies, les différentes cultures qu’il porte en lui.
«Il y a une notion de fraternité qui est très puissante entre les hommes au Maroc. On s’appelle «frère» ! On se touche beaucoup. Et moi, en tant qu’homme, c’est quelque chose qui me manquait de plus en plus !»
Même si les hommes du Québec ne sont pas habitués à une telle proximité entre eux, les danseurs québécois choisis par Mouaraki se sont pourtant sentis à l’aise, dès le début des répétitions avec les danseurs marocains. Ça veut dire que cette sensualité là, elle est en nous, même quand on en est plus ou moins éloigné par notre éducation et notre culture, résume le chorégraphe.
On a d’ailleurs tourné une vidéo de la première rencontre des interprètes marocains et québécois en terres marocaines, en juin dernier. Dans un montage d’une quinzaine de minutes où on voit Le sacre de Lila prendre forme, des danseurs expliquent que leurs échanges d’énergie et leurs moments d’intimité masculine leurs ont procuré un grand bien-être. L’un d’entre eux précise qu’il a l’impression de danser avec des miroirs de lui-même. Certains parlent aussi de «guérison», tout en soulignant que leur expérience n’a rien de sexuel.
Avec ce spectacle qui évoque les différents «repères sociaux» qui l’habitent, Mouaraki souhaite entraîner le public dans cette rencontre qui transcende les mots : «Je sens qu’il y a une ouverture pour accueillir la culture arabe au-delà des préjugés.»
Chose certaine, le chorégraphe ose soulever des questions très rarement abordées ! Que représente le corps d’un homme au Québec ou au Maroc ? Quelle valeur accorde-t-on à la masculinité ? Comment voit-on la proximité entre hommes ? Ces derniers se sentent-ils autorisés à se nourrir de cette proximité pour grandir ?
Un nouveau jour
«Lila» est un mot arabe qui signifie «nuit». La célébration de lila commence au coucher du soleil et elle se termine au lever du soleil. «C’est là qu’un autre monde s’ouvre à travers le chant et la danse», précise le chorégraphe.
Traditions marocaines et influences électroniques se rencontrent dans la musique du spectacle composée par Antoine Berthiaume en collaboration avec Katia Makdissi-Warren. «On est dans un rythme constant, grâce à la musique qui nous amène dans des états de détente et pour certains, ça va jusqu’à la transe ! Je veux qu’on soit touché par la complicité des danseurs, leur confrérie et leur capacité de générer en groupe une communion spirituelle. Je veux qu’on sente qu’il y a une liberté du corps qui s’est échappée ou plutôt assumée. Voilà, je dirais que mes danseurs assument leur masculinité.»
Le sacre de Lila
Chorégraphe : Ismaël Mouaraki / Compagnie : Destins croisés
Agora de la danse :
23-24-25 novembre — 19h
26 novembre — 16h
* Ce spectacle sera aussi présenté au Centre des arts Juliette-Lassonde de Saint-Hyacinthe (30 novembre) et au Théâtre des Deux Rives à Saint-Jean-sur-Richelieu (16 décembre), ainsi qu’au Maroc et en Tunisie en 2023.
* Photos fournies par Destins croisés