Katia Gagné présente sa nouvelle création au Théâtre La Chapelle, Elle-moi. D’un bout du monde à l’autre. L’artiste aime se définir au travers de toutes les formes d’expression qui se présentent à elle ; ainsi, la danse, le jeu, la vidéo viennent nourrir le cheminement physique de ses danseuses. Si sa maîtrise de l’expression corporelle est indéniable, certaines dissonances viennent indubitablement perturber le propos pourtant très inspiré de la chorégraphe.
Elle-moi. D’un bout du monde à l’autre repose sur la performance d’Ève Garnier, accompagnée par un cœur de femmes qui, en dépit de la durée de leur prestation, apporte une dimension mystique très appréciée grâce à leur engagement physique et à leurs regards soutenus.
Mais commençons par le propos : sur le thème du souvenir et de la mémoire, Katia Gagné nous propose une incursion dans les étapes marquantes de la vie de LA femme, étapes élégamment illustrées par des changements de robes, dans lesquels la flamboyante chevelure de l’interprète garantit une certaine pudeur. Cela ne m’aurait pas choquée de voir cette femme nue, mais je dois avouer que je trouve la suggestion plus reposante que la démonstration.
Le souvenir de sa venue au monde, illustrée dès l’entrée en salle du spectateur, le souvenir douloureux des premières menstruations, synonyme de la fin de l’enfance, le souvenir amer d’une séparation, le souvenir du cheminement à la fois délicat et fort de l’adulte et finalement, l’addition de tous ses souvenirs, de toutes ses expériences, qui construit sa mémoire et en fait la femme qu’elle est aujourd’hui : une femme vieillissante, mais qui se tient debout.
Visuellement, c’est puissant : le sans faute de Ève Garnier tout d’abord, avec son impressionnant travail au sol, où chacun de ses muscles effectue sa propre chorégraphie ; on y reconnaît à coup sûr l’influence de Marie Chouinard, pour qui la danseuse a déjà officié. Dans ses poses les plus tortueuses, se dessine la femme fragile, avec la tête renversée, ses cheveux couvrant la quasi-totalité de son visage ; la femme résistante aussi, lorsque couchée sur le ventre, elle traverse la scène à la seule force de ses bras.
Et puis les images de train, ce train qui passe si vite, que l’on a à peine le temps de voir chaque wagon… subtile allégorie des années qui défilent et que l’on ne peut retenir.
Les robes, le charisme physique, le train… le tout combiné à une musique intelligemment choisie, nourrissent la performance. En revanche, le texte n’est pas adapté, surtout celui prononcé par Ève Garnier : le ton, le vocabulaire, la situation de rupture qui nous est décrite notamment, trahissent des lacunes dans la maîtrise de ce médium.
Certes, Katia Gagné se définit comme une artiste pluridisciplinaire, mais il n’est pas toujours nécessaire d’utiliser toutes ses compétences : à force de vouloir l’enrichir, on peut finir par l’alourdir, ou bien par créer un déséquilibre, comme ce fût clairement le cas : on est emporté par les lignes chorégraphiques et on retombe brutalement lorsque le texte est prononcé, ce qui arrive souvent compte tenu de la durée de la représentation (une heure).
Il n’en reste pas moins que ce spectacle reste un bon moyen de découvrir le genre Contemporain, mais il est vrai aussi que les plus érudits en la matière pourraient rester sur leur faim.
Elle-moi. D’un bout du monde à l’autre est présenté le 10, 11, 15, 16, 17 et 18 février, au Théâtre La Chapelle.
Chorégraphie, mise en scène et réalisation des vidéos KATIA GAGNÉ
Collaboratrice à la création et interprète soliste ÈVE GARNIER
Avec la participation de JOHANNE MADORE, LINA MALENFANT, ANNIE ROY, LUCIE VIGNEAULT
Durée du spectacle
1 h sans entracte
Photo @Danse-Cité