Ballet en bleu… voilà qui résume en partie le spectacle Navy Blue de la chorégraphe irlandaise Oona Doherty, présenté encore ce soir et demain au Festival TransAmériques. Cette ode à la cruauté de la vie met en scène une douzaine de danseurs, vêtus d’uniformes évoquant le monde du travail ouvrier. La chorégraphe elle-même a enregistré un texte qui vient clarifier, en partie, ce nébuleux voyage en eaux troubles. Explications.
À plein volume
D’entrée de jeu, les interprètes, hommes et femmes, se tiennent droit. Ils semblent sur leur garde. Ils parcourent l’espace comme une nuée d’oiseaux, portés par les envolées du Concerto pour piano n°2 de Rachmaninov. Il y a de la beauté dans ces élans collectifs teintés d’inquiétude. Puis, soudain, le groupe se brise! Un premier coup de feu éclate et l’un des danseurs s’écroule! Ils tomberont ainsi, un à un, emportés par la violence armée qui retentit. L’agitation revient sans cesse… comme une vague impitoyable.
Ces scènes troublantes se déroulent alors qu’on fait jouer un enregistrement du célébrissime Adagio sostenuto du non moins célèbre compositeur russe. Cette musique m’a semblé détoner dans l’univers mystérieux de Navy Blue. Difficile de concilier le mystère avec cette partition mille fois entendue et qui a été apprêtée à toutes les sauces que ce soit au patinage artistique, au cinéma, etc., en plus d’avoir inspiré à Eric Carmen le tube pop All by Myself. Plus encore, on nous impose Rachmaninov à plein volume, comme s’il s’agissait de David Guetta! Assommant!
Un discours enflammé
Vient alors une accalmie lugubre: tous les danseurs abattus gisent au sol. Durant de longues minutes, c’est l’immobilité sur scène. Ensuite, la chorégraphe tente d’exprimer le fond de sa pensée à travers un texte enregistré en anglais, dont on trouve une traduction française dans le programme de la soirée.
Essentiellement, madame Doherty parle de l’inutilité de la vie, où les humains ne sont que de petits points sans importance. «Tous les saints et les pécheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu ici des sévices infinis infligés au peuple d’un coin de ce pixel par le peuple d’un autre coin, des fleuves de sang que firent couler tous ces généraux et empereurs afin de devenir les maîtres provisoires d’une fraction de ce fucking point. Des fleuves de sang qui transforment ce point bleu pâle en un point rouge pâle…»
Donald Trump, Margaret Thatcher et Adolf Hitler sont ici alignés sur le même banc des accusés… Parmi leurs voisins: Ronald Reagan et Vladimir Poutine… «prêts à tout pour se donner une importance.» Ce long discours est souvent noyé sous les synthés tonitruants de la bande-son de Jamie XX. Le propos et l’emballage sonore sont apocalyptiques au point qu’on en oublie presque les danseurs nerveux, dont les mouvements irréguliers semblent manifester leur panique.
En résumé, la danse cède la place à la dénonciation politique et malgré quelques images fortes, Navy Blue ne m’a pas ému.
Navy Blue / dans le cadre du FTA
Chorégraphie de Oona Doherty
Théâtre Maisonneuve, 31 mai et 1er juin / Billets
Durée : 60 minutes sans entracte
*Photo fournie par le FTA