La nouvelle pièce d’Olivier Choinière est une joute verbale palpitante entre un enseignant et une étudiante, durant le «printemps érable». La cégépienne (Zoé Tremblay-Bianco) exige qu’on lui donne ses cours, malgré la grève. Son professeur de philosophie (Marc Béland), soumis à une injonction l’obligeant à enseigner sous peine d’emprisonnement, ne cache pas son mécontentement. Tous les deux plongent, alors, dans un débat qui nous concerne tous. Leurs points de vue sont-ils irréconciliables ? Chose certaine, durant 90 minutes, le besoin de consensus si cher à notre époque sera malmené ! Zoé : l’unanimité détrônée.
La majorité a-t-elle toujours raison ?
Zoé est née dans une famille bien nantie. On croit comprendre qu’elle souffre de problèmes respiratoires qui ont fait craindre le pire à ses parents, lorsqu’elle était enfant. Le prof, lui, doit continuer de travailler, notamment, pour subvenir aux besoins de sa fille. Agacé par le huis clos qui se dessine, il laisse tomber son plan de cours d’histoire de la philosophie et il lance plutôt un débat sur les motifs profonds de son unique étudiante.
Dans un décor de chaises vides sur lesquelles planent des luminaires fluorescents, le duel s’engage, alors que la foule gronde tout près de la classe. Zoé clame son droit d’étudier, mais respecte-t-elle son association étudiante qui a décidé de faire la grève, lui demande Luc. La jeune femme dit suivre sa voie intérieure et, de ce fait, ne considère pas sa dissidence comme de l’égoïsme. Elle demande si la majorité a toujours raison ? On découvre Zoé Tremblay-Bianco qui a déjà beaucoup d’aplomb et qui est tout à fait crédible dans ce rôle. Très bon choix également que ce Marc Béland très à l’aise en enseignant et souvent drôle, en plus.
Quel est le but de l’éducation ?
Mais pourquoi tient-elle à ce point à être médecin, lui demande son interlocuteur ? Pourquoi pas un autre métier ? Ambition bourgeoise ? Désir d’être admirée par la société ? De son côté, Zoé s’offusque de la note de 85% que lui a attribué son prof pour une dissertation. Elle veut une meilleure note pour faciliter son acceptation comme étudiante en médecine. Exaspéré, Luc réplique qu’une des erreurs perpétuées par les humains est de se croire indispensable à la marche de l’humanité. Il ajoute que si Einstein n’avait pas inventé sa théorie de la relativité, quelqu’un d’autre l’aurait fait, peut-être sa femme. Disons qu’on glisse ici dans la spéculation.
Que signifie être libre ?
Mais, il n’en reste pas moins que dans l’ensemble, ce débat sur le sens de la liberté individuelle face au respect des autres, a du mordant. Il n’y a ni gagnant, ni perdant, mais plutôt des points de vue divergents et bien défendus. À notre époque de la dictature du «like», où la police de la bien-pensance ne demande qu’à lyncher ceux qui ne se rallient pas à elle, cette pièce est une bouffée d’oxygène ! Choinière livre ainsi un vibrant hommage à l’enseignement de la philosophie qui a de quoi nous éclairer tous, notamment les nombreux étudiants qui fréquentent le Théâtre Denise-Pelletier.
Zoé
Texte et mise en scène : Olivier Choinière
Avec : Marc Béland et Zoé Tremblay-Bianco
Scénographie : Simon Guilbault
Conception sonore : Éric Forget
Au Théâtre Denise-Pelletier
Jusqu’au 29 février 2020