L’Université McGill continue de briller de tous ses feux! Samedi soir 7 avril, à la
radieuse église d’inspiration baroque Saint-Jean-Baptiste, rue Rachel, nous avons
entendu et contemplé trois excellents choeurs réunis en un seul, comptant au total
110 chanteurs appuyés par l’impressionnant Orchestre symphonique de McGill alignant
ses 62 jeunes musiciens jouant à merveille. Enfin posés parmi nous, les trois chefs
de choeur mobilisés sans relâche sans omettre les 8 vaillants répétiteurs de section
et les 2 assistants d’études chorales tous inspirés par le directeur artistique de
cet événement musical rarissime, Alexis Hauser, ces derniers pouvaient se reposer
sur un banc d’église et être fiers!! Car pour bénir musicalement cette alliance de
musiciens aux études, tout ce beau monde était dirigé devant une église archi-comble
par la baguette du dynamique chef Jean-Sébastien Vallée accompagnant encore avec soin les
13 solistes virtuoses triés bien sûr sur le volet (y compris un très très jeune
garçon soprano aux plus aigus de la voix humaine).
Au total cent quatre-vingt-six musiciens en grand costume d’apparat devant un public
recueilli et une église éclairée des couleurs changeantes de l’espoir (vert), du feu
(jaune) de la sagesse divine (bleu et parfois violet) et du sang (rouge). Tout
d’abord, mentionnons le héros de ce récit biblique, Élias, incarné par Jonah Spungin
ce baryton solide, ensuite la première soprano Gina Hanzlik assurée et imprégnée
entièrement de son rôle, puis le ténor Patrick McGill à la voix plutôt sensible aux
frileuses atmosphériques ou aux terrifiantes insinuations du récit et enfin la mezzo
Allyson Goff en ses incantations envers un peuple affamé de vengeances.
L’oeuvre est scindée en 42 sections d’airs, de récitatifs, de chants choraux et de
duos, trios, quatuors, octuors vocaux tous aussi bien réussis les uns que les
autres. La source littéraire de l’action est tirée du premier Livre des Rois de
l’Ancien Testament sinon d’Isaïe ou encore elle fait allusion à des scènes aux
affinités évangéliques. Les quatre grands airs d’Élias ont été chantés brillamment
par Jonah Spungin.
Un des premiers moments musicaux les plus forts, à mon avis, survint lors d’un
octuor (huit voix simultanées concertant ensemble) fort bien réussi et, bien sûr
plus tard, lorsque le violoncelliste solo Jacob Efthimiou à la chevelure dorée des
diadèmes impériaux de la Grèce antique (reflétant peut-être les blés lointains de
son originaire vallée ancestrale d’Argos!), dialogua magnifiquement en duo avec
Élias soit Jonas Spungin entonnant pour sa part l’air célèbre (section 26) It is
enough (Es ist genug- c’en est assez).
Oublierai-je volontairement toutes les apparitions merveilleuses? Car le merveilleux
du récit miraculeux est saisissant. Ému jusqu’aux larmes (celles tout intérieures et
contenues de la puissante soprano Gina Hanzlik ne m’ont pas échappées aux moments
les plus forts ) notre imaginaire de mélomanes était sans cesse captivé par
l’action de l’oratorio de Mendelssohn (Élias est le titre français, le titre anglais
est Elijah), de sorte que j’ai bien dû croire apercevoir au moins un de ces chars de
feu magnifiques que le récit nous faisait voir s’envolant en flammes vers le Ciel!
Pour ne pas lasser le lecteur par un rapport trop exhaustif de tous ces exploits
musicaux d’une soirée inoubliable, je me dois de mentionner tout de même que
l’orchestre symphonique de McGill a atteint jeudi soir une splendeur expressive que
je ne lui avais jamais connue jusque là (surpassant de beaucoup le niveau musical de
l’orchestre du Centre national de arts de passage devant nous l’avant veille à la
Maison Symphonique, c’est tout dire!).
Les choeurs, ainsi réunis en tant de puissances ou de douceurs juvéniles,
incarnaient avec force le peuple d’Israël, ou les prêtres de Baal ou des anges.
Tous ces choristes affichaient la beauté et la splendeur de ce qu’il y a de meilleur
de notre jeunesse musicienne. En somme, tous les exécutants ont été tout à fait
exceptionnels et c’est le genre d’oeuvre chorale qu’on voudrait voir partir en
tournée à travers tout le pays. Heureusement, tout a été savamment filmé et
enregistré ce qui promet d’être un magnifique album visuel et sonore. Toute la
résonance musicale, mélodique et harmonique de l’oeuvre méconnue rappelle à notre
esprit l’étude minutieuse des cantates et chefs-d’oeuvre de Bach que Mendelssohn
avait étudiés, diffusés et rappelés à la connaissance du public oublieux de l’époque
ainsi que se distingue nettement l’empreinte influente des oratorios de Haendel.
Deux cents et quelques fois bravo!
Photo © Dominick Gravel