C’est une belle foule jeune qui remplissait la Maison Symphonique jeudi soir 21 novembre, heureuse peut-être d’avoir aussi assisté en pré-concert aux trente minutes du programme du pianiste canadien Teo Gheorghiu comportant de la musique française et roumaine.
Mais le clou de la soirée fut, bien évidemment, le retour à Montréal du sensationnel Alban Gerhardt dans le ravissant Concerto pour violoncelle et orchestre en si mineur op.104 du compositeur tchèque Antonin Dvoràk. Une perfection des phrasés, une technique irréprochable, une tendre poésie remplissant l’enceinte acoustique de notre temple musical vénéré, le tout durant chaque instant des trois mouvements jusqu’au rappel constitué d’un mouvement d’une des suites pour violoncelle de Bach (un extrait de ces fameuses incantations que nous avait jouées – les yeux fermés du début à la fin – Yo-Yo Ma, il y a encore peu de temps à la Maison Symphonique).
L’entente semblait idéale entre le soliste Gerhardt et le chef finlandais invité, Hannu Lintu, auquel l’OSM obéissait comme l’OM obéit au doigt et à l’oeil de Nézet-Séguin. Certains auraient eu peine à y croire. La belle stature nordique du colossal Hannu Lintu donne à ses gestes une prestance naturelle empreinte de sereine autorité et on remarqua sa satisfaction pendant cette rencontre musicale avec le public montréalais. Lorsqu’il déambule, il a ce déhanchement désinvolte, celui d’une démarche assurée. Un appui presque diagonal ou incliné à la barre du podium l’a fait à deux ou trois reprises incliner suavement la tête vers le public du parterre puis plonger son vif regard intelligent vers les balcons comme pour mieux les jauger, peut-être se demandait-il, de quoi ces mélomanes québécois pouvaient être pétris…
En tout cas, la saillie des applaudissements au terme la très belle quatrième symphonie du passionnant compositeur polonais Witold Lutoslawski n’a pas pu semer un quelconque doute (dans son esprit comme dans le nôtre) sur sa prestation ni lui déplaire et encore moins celles qui suivirent les cinq mouvements de la magnifique Sinfonietta de Janacek qu’une fanfare de 14 cuivres, postée comme il se doit au troisième balcon, a entonnée de son mieux.
Bien entendu, ce répertoire si original y compris la rhapsodie Taras Bulba que l’Orchestre tchèque dirigé par Vaclav Neuman entonnait jadis (cristallisées sur Supraphon 11103400ZA) de manière unique Place de la République au moment de la chute du mur de Berlin (avec les brillantes symphonies torturées de Martinù) lorsque je n’avais pas encore trente ans…ces souvenances me sont revenues en mémoire comparative. C’était vraiment pas mal! J’ai dû laisser, au fil des nombreux mois passés à m’imprégner de la culture tchèque, une grande partie de mon coeur à Prague et cette musique me rappelle le bonheur de vivre du bohème que je fus de la salle Smetana jusqu’à Brnô, Karlovy Vary, Marienbad, enfin sur tous ces sentiers broussailleux où croissait le houblon de Plzen… Ivresse musicale bien intériorisée.
L’OSM a le mieux du monde rendu l’Andante intitulé Le Château et ensuite Le Monastère de la Reine marqué modéré aussi agréablement que la vision qu’on en aperçoit de la Vtlava des nombreux ponts qui l’enjambent. Un mot de cri de ralliement pour aviser les mélomanes que votre journée du 30 novembre doit être réservée pour le Concours OSM où vous entendrez violonistes et violoncellistes en finale de Concours OSM, à la Maison Symphonique. D’excellents accompagnateurs y travaillent déjà à rendre cette journée du talent à redécouvrir à jamais mémorable et je vous en reparlerai selon mon délire habituel.