Grande musique et grandes émotions avec l’Orchestre Métropolitain et son Choeur dans le Requiem de Brahms, vendredi soir (20 mai), à la Maison symphonique. On a aussi rendu hommage aux victimes de la Covid 19 avec une oeuvre commandée par l’OM. Une qualité d’écoute des grands soirs régnait dans cette merveilleuse salle bien remplie pour le retour de Yannick Nézet-Séguin après trois mois d’absence.
Savoir accueillir
Parmi ses nombreuses qualités, Nézet-Séguin sait accueillir le public et lui présenter les oeuvres au programme. Heureusement, il a fait école ! Rappelons qu’à l’époque où le jeune Yannick a commencé sa carrière dans les années 1990, à Montréal, il n’était pas rare qu’un concert se déroule sans aucune présentation. Qu’allait-on interpréter et pourquoi ? Cela ne semblait préoccuper personne.
Depuis longtemps, le maestro québécois excelle dans l’art de communiquer simplement au public en quoi ce dernier est concerné par ce qu’on va jouer. D’abord, le chef confie qu’il a dirigé pour la première fois Un requiem allemand de Brahms en 1997.
Un quart de siècle plus tard, après deux ans d’une pandémie qu’on espère terminée, l’artiste souligne que cette oeuvre axée vers l’espoir transcende les divisions qu’entraînent parfois les religions. Pas de colère divine dans ce Requiem porté par le réconfort des voix humaines. Réconfort et espoir : des mots-clés en cette période trouble ! Les spectateurs saisissent instantanément qu’ils sont conviés à un voyage apaisant. Ils ouvrent bien leurs oreilles et leur coeur.
Acte de foi
Le titre complet de cette oeuvre de grande envergure est «Un Requiem allemand, sur des textes de l’Écriture sainte, pour solistes, chœur et orchestre (avec orgue ad libitum)». Brahms a choisi de mettre en musique des extraits des Écritures traitant de la douleur des vivants devant la mort, de la consolation et de l’espérance de la rédemption.
De ce fait, le ton diffère du texte du requiem traditionnel, tel qu’utilisé par Mozart, Berlioz et Verdi qui repose sur la Messe des défunts de la liturgie catholique; ce texte inclut le terrifiant Dies irae (Jour de colère) qui évoque le Jugement Dernier. Rien de tel chez Brahms.
Avec délicatesse, l’orchestre joue les premières mesures sur lesquelles des voix du choeur viendront se poser comme un doux murmure. «Heureux ceux qui pleurent / Car ils seront consolés.» (Saint Matthieu 5, 4).
Après un premier mouvement lent, la deuxième partie est plus dramatique avec sa marche funèbre. «Toute la gloire de l’homme / Est comme la fleur de l’herbe / L’herbe sèche / Et la fleur tombe».
On entendra le grondement des percussions, l’intensité des cuivres, la puissance du choeur ! On en tremble tellement on est emporté par la musique ! Puis, paradoxalement, on plonge au plus profond de soi tout en étant en communion avec les autres spectateurs. Oui, il est question de l’inéluctabilité de la mort mais la sérénité demeure comme un phare.
Plus tard, le baryton-basse à la voix nuancée, Eric Owens, demande avec humilité : «Herr, lehre doch mich» (Seigneur, apprends-moi). Poignant ! Par contre, la soprano Suzanne Taffot affiche un côté glam qui m’a semblé plutôt éloigné de la consolatrice qu’elle était sensée représenter.
On pourrait écrire encore longuement sur cette oeuvre en sept parties, d’environ 70 minutes, mais au bout du compte, les héros de la soirée, ce sont les choristes préparés par François A. Ouimet et Pierre Tourville. Justesse, ferveur, puissance, nuances; ajoutons que la qualité de leur prononciation en allemand a été soulignée à plusieurs reprises.
Bien sûr, au coeur de ce bouleversant voyage musical, il y a cette oeuvre gigantesque qui va droit au coeur et qui a été dirigée de mémoire (!) par Nézet-Séguin.
Une création
En début de soirée, nous avons pu découvrir Oraison pour choeur et orchestre du Canadien d’origine cubaine, Luis Ernesto Peña Laguna. Cette pièce d’environ huit minutes commandée par l’OM, s’inspire du poème Danse humaine spécialement écrit pour l’occasion par l’écrivain français Jean-A. Massard. On y rend hommage aux victimes de la Covid mais aussi aux soignants : «Geste, je me souviens du geste / Et des mains qui ont soigné».
Véritable moment de grâce, le concert Brahms et son Requiem allemand n’était présenté qu’un seul soir, mais on pourra y assister en webdiffusion du 10 au 19 juin.