L’Opéra de Montréal ouvre sa saison 2022-2023 avec une production de Il Trovatore (Le trouvère) qui a de grandes qualités ! Premièrement, les quatre chanteurs principaux de cette oeuvre complexe et exigeante vocalement sont excellents, qu’il s’agisse de Étienne Dupuis, Nicole Car, Luc Robert ou Marie-Nicole Lemieux. Il n’y a pas de décors à proprement parler mais l’environnement visuel est dans l’ensemble agréable à regarder. On est toutefois perplexe devant le peu d’interactions entre les personnages qui semblent parfois très détachés de l’histoire pourtant terrible qui va briser leur vie.
Une histoire tordue
Au coeur de cette histoire tordue, il y a le trouvère, un chanteur nommé Manrico (Luc Robert) et le comte de Luna (Étienne Dupuis) qui convoitent tous deux la belle Leonora (Nicole Car). Les deux hommes qui se détestent n’apprendront qu’à la fin de l’opéra qu’ils sont des frères.
Manrico croit être le fils de l’inquiétante Azucena (Marie-Nicole Lemieux), accusée d’avoir jeté un bébé au feu ! On apprendra que la gitane avait ainsi voulu venger sa mère condamnée par le père de Luna. Azucena avait alors enlevé Manrico l’un des enfants du vieux comte de Luna pour le brûler vif, mais elle s’était trompée en précipitant son propre fils dans les flammes.
On assiste donc à une histoire de vengeance entre deux clans qui s’exprime à travers de nombreux airs souvent connus du grand public. Les solistes brillent tour à tour et le choeur est excellent !
Un pompier devenu chanteur d’opéra
Le public du soir de la première (10 septembre) semblait particulièrement curieux de voir Luc Robert, ancien pompier de Rouyn-Noranda, incarner le trouvère. Mis à part quelques moments de fatigue vocale, le puissant ténor n’aura pas déçu. La performance de cet artiste au parcours étonnant est l’un des atouts du spectacle.
Très en demande, monsieur Robert a chanté, entre autres, le rôle-titre de Don Carlo à l’Opéra de Dortmund, en Allemagne (2013) et il a foulé les planches du Metropolitan Opera dans Ernani de Verdi, aux côtés d’Angela Meade et Plácido Domingo (2015). On applaudit, cette semaine, son retour à l’Opéra de Montréal, où on ne l’avait pas revu depuis sa participation à La Bohème, il y a cinq ans.
Et la passion ?
Une fois de plus, Étienne Dupuis s’avère un baryton remarquable : prestance, voix ample, etc. Mais, on ne sent pas sa colère, lui qui est pourtant amoureux de Leonora et ennemi juré du trouvère. Le comte de Luna semble plutôt observer la situation avec une étonnante froideur, dans cette mise en scène de Michel-Maxime Legault.
Et comment expliquer qu’il y ait si peu de passion exprimée entre Manrico et Leonora quand cette dernière meurt, près de son amant ? Ce dernier semble incroyablement détaché dans cette scène qui est pourtant censée être déchirante !
Cela dit, la soprano Nicole Car (épouse d’Étienne Dupuis), est vocalement étincelante ! Elle sera d’ailleurs longuement applaudie par le public.
Enfin, chapeau à Marie-Nicole Lemieux qui se distingue dans cette distribution en développant de façon spectaculaire la dimension théâtrale de son personnage, sans tomber dans la caricature. En plus de sa brillante performance vocale, la contralto devient devant nous une gitane torturée par son désir de vengeance. On y croit.
Environnement visuel
L’action se déroule sur une scène inclinée et réfléchissante ce qui donne parfois l’impression d’allonger la silhouette des personnages. Très bel effet !
D’ailleurs, tout au long de ce spectacle de plus de deux heures et demie incluant un entracte, la scénographie de Jean Bard et les éclairages d’Éric Champoux créent des environnements visuels agréables à regarder, contribuant à alléger cette histoire sombre. Entre autres, grâce à une projection, on découvre la tour où est détenu le trouvère. Plus encore, on réussit à faire entrer le spectateur dans cette tour de la mort, grâce à un élément de décor tout simple et efficace. Bravo !
Grande musique
La magnifique musique de Verdi demeure la principale raison d’aller voir cet opéra. C’est un feu roulant de grands airs et de choeurs d’envergure. Soulignons d’ailleurs l’excellente performance du Choeur de l’Opéra de Montréal et de l’Orchestre Métropolitain dirigés avec panache par Jacques Lacombe.
Il Trovatore / Verdi
Avec : Luc Robert (Manrico), Étienne Dupuis (Luna), Nicole Car (Leonora), Marie-Nicole Lemieux (Azucena), ainsi que Matthew Treviño (Ferrando) et Kirsten LeBlanc (Iñez).
Choeur de L’Opéra de Montréal et Orchestre Métropolitain / Jacques Lacombe (dir.)
Mise en scène : Michel-Maxime Legault / Scénographie : Jean Bard / Éclairage : Éric Champoux / Costumes : Opéra de Montréal
Salle Wilfrid-Pelletier : 10, 13, 15 et 18 septembre
Photo / Courtoisie : Luc Robert, Marie-Nicole Lemieux et Étienne Dupuis dans Il Trovatore